BD : impressions d’Angoulême

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Pas vraiment néophyte, mais loin d’être experte, j’ai osé le 44e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Un rien inquiète : que comprendre à ce monde de bulles, de planches, de strips et d’artistes décalés ? J’ai été conquise par la gaieté, le mouvement, les couleurs, une incroyable créativité… L’optimisme de la création.

Des milliers d’amateurs. Angoulême passe, en quatre jours, d’un peu plus de 40.000habitants à 200.000. Ils sortent des voitures, des trains, d’on ne sait où. Ils montent à l’assaut de la ville haute, décidés et pressés. Il y a tant à voir, les stands des marchands, des éditeurs, les expositions, les dessinateurs… Au royaume de la BD, je m’imagine avec mon carnet de croquis, mon feutre ou mon pinceau trempé dans un café, saisir d’un trait ces fous d’estampes : filles aux cheveux rouges, garçons premiers de la classe, retraités en pantalons de velours, quinquagénaires au sac à dos déjà plein (comment feront-ils au retour ?), écoliers pas très sages  ou  adultes gesticulants.

Beaucoup d’hommes derrière ou devant les stands. La BD est encore un monde plutôt masculin dirigé par des hommes jaloux d’en garder le plaisir. Mais… les femmes sont là et bien là, jeunes ou Mid, lectrices ou auteures (à Angoulême on dit autrices), à mille lieux des oursons et papillons de nos livres d’enfants. Ici, elles aiment l’érotisme, l’aventure, la science fiction, le témoignage qui décoiffe.

C’est une femme qui a présidé le jury cette année, Posy Simmonds, dessinatrice anglaise et rousse, dont deux œuvres ont été portées à l’écran, Gemma Bovery et Tamara Drewe. C’est une jeune femme aussi, la sud-coréenne Ancco, qui a reçu le prix Révélation, pour le récit d’une fugue de deux adolescentes battues, perdues dans leur pays en crise des années 90. Un album blanc et noir, gris, et encore noir, proposé par les Éditions Cornélius. Ouaf ! (comme on dirait en BD)… Moral en baisse… Pas de quoi le retrouver avec l’ouvrage de la Française retenue dans la sélection finale. Catherine Meurisse, dessinatrice à Charlie Hebdo, rescapée de la tuerie pour cause de retard à la conférence de rédaction, raconte sa descente traumatique d’un trait sensible et généreux, avec quelques superbes aquarelles, dans son album La Légèreté, publié chez Dargaud. Au moins, elle – la belle double page de fin le dit – la beauté du monde et de l’art a fini par la sauver.

Car tout n’est pas triste ni désespéré dans les cases et les bulles ! Moi aussi, j’ai été sauvée de la morosité, par les Shingouz en carton, ces êtres de la BD Valérian, plantés sur les trottoirs de la ville, et que l’on retrouvera en juillet prochain dans un film de Luc Besson. Par la lumière des montagnes de Cosey, Grand prix du festival, ou par le charme de  La forêt sombre et mystérieuse où s’enfonce le petit Angelo de Winshluss. Sauvée d’une morosité trop à la mode par l’énergie créative qui laisse sur les murs d’Angoulême, entre deux festivals, de grandes fresques colorées.

Dominique Burg-Faure
Mid&Provence

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