Les Pionnières : George Sand, la féminité au masculin

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George Sand, le pseudonyme d’Amantine Aurore Lucile Dupin, baronne Dudevant, était romancière, dramaturge, épistolière, critique littéraire et une journaliste que les écoliers français connaissent depuis le collège. Mais elle sera aussi une pionnière en adoptant une tenue vestimentaire masculine à une époque où l’on se devait de respecter les codes de son sexe !

Féministe avant l’heure

George Sand a pris très tôt la défense des femmes, prôné la passion, fustigé le mariage et lutté contre les préjugés de la société. Elle adopta d’abord un nom masculin pour publier ses ouvrages, ce qui fit l’effet d’une bombe, mais ouvrit un courant littéraire suivi par Marie d’Agoult, qui signait Daniel Stern, ou Delphine de Girardin devenue Charles de Launay, le moyen de publier ses écrits sans être méprisée. Elle fut pourtant la seule dont les critiques parlaient au masculin et qui figurait au panthéon de la littérature avec ces messieurs, Victor-Hugo ou Balzac.

« La vision de la femme est avant tout essentialiste : la femme est différente de l’homme parce que la nature lui a donné un autre rôle, une autre fonction. »

George Sand, la scandaleuse

S’habiller en homme était plus confortable et permettait d’accéder aux lieux interdits, les fosses de théâtre, les bibliothèques ou les procès publics. George Sand écrit dans « Histoire de ma vie » que ce fut d’abord pour des raisons pécuniaires qu’elle s’habillait ainsi, s’étant trouvée démunie en arrivant à Paris, son mari ayant gardé l’autorité sur sa fortune et sa propriété de Nohant. Son costume masculin ne dissimulait en rien sa féminité ! Sa veste cintrée moulait ses hanches et assez filiforme, elle évoquait le raffinement d’un dandy : gilet blanc, lavallière savamment nouée, une canne, des bottes vernies, un haut-de-forme luisant, une allure qui s’accordait bien avec les milieux d’artistes et d’intellectuels qu’elle aimait fréquenter, tout en fumant en public cigares et cigarettes. George Sand, désespérée par sa passion pour Musset, coupera sa chevelure et la lui enverra comme preuve d’amour, elle qui a toujours été une femme de convictions, l’apparence n’étant pour elle qu’une manière de les affirmer aux yeux du monde. Elle refusera la Légion d’honneur en répondant au ministre :

« Ne faites pas cela, cher ami… Vous me rendriez ridicule. Vrai, me voyez-vous avec un ruban rouge sur l’estomac ? J’aurais l’air d’une vieille cantinière ! »

L’esprit de la loi

En 1800, une ordonnance du Préfet de Paris interdisait « Le travestissement des femmes », ce qui signifiait qu’elles ne pouvaient porter un pantalon que sur ordonnance médicale, mais visait en réalité à les empêcher d’exercer des métiers réservés aux hommes. Plus près de nous, en 2013, le Ministère du Droit des femmes avait répondu à une question écrite au Sénat que l’ordonnance de 1800 n’était plus en vigueur. Comme l’a commenté une blogueuse : « Nous voilà tous et toutes rassuré.e.s » ! Et moi d’ajouter, et je suis certaine d’obtenir votre approbation : je remercie chaleureusement George Sand pour avoir transgressé la loi et lui sais gré d’avoir été une pionnière en la matière. Imaginez que nous aurions pu vivre sans avoir connu le jean, le corsaire, le legging, le slim ou le chino… Impensable !

Vicky Sommet

Lire, pour retrouver George Sand chez elle, le livre de l’historienne Michelle Perrot « George Sand à Nohant – Une maison d’artiste » paru aux éditions du Seuil (août 2018).

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