Souchon-Voulzy : sont-ils devenus mythiques ?

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Ils sont en tournée dans toute la France et reviennent à Paris au Zénith en décembre prochain. Ils ont attendu 40 ans avant d’avoir envie de faire cet album et de monter ensemble sur scène. Est-ce une raison pour aller voir leur concert ? Réponse dans le RER B, un soir de juin, par 40°.

Pourquoi Souchon-Voulzy comme ça, le nez en l’air, la mélodie baladeuse, à force de faire les “ idiots ”, seraient-ils devenus mythiques ? Au début, on ne se méfie pas. Ils sont là depuis si longtemps avec leur allure immuable: Souchon, jean noir, chemise, pull en V, cheveux frisés. Voulzy : couleurs flashy, veste à épaulettes, guitare en bandoulière. Les mélodies de l’un, les textes de l’autre. Les intellos rive-gauche sont Souchon addicts, les poètes mystiques Voulzy lovers. forever. Rien de contradictoire à cela. Aimer l’un n’exclut pas d’embrasser l’autre. Disons simplement que Souchon-Voulzy, c’est le Yin et le Yang de la chanson française. Souchon, le Yin, le noir, incarne le sombre, le féminin. Voulzy, le Yang, le blanc, symbolise le soleil, la clarté, la chaleur, le plein. L’un ne vit pas sans l’autre. L’autre ne vit pas sans l’un. Mais eux ne vivent pas ensemble. Ils sont deux, mais ils sont un. Comme en chacun de nous. Sauf que dans leur cas cela se traduit en millions de disques vendus. Souchon-Voulzy, pour ceux que cela rassure, ce sont les gros vendeurs de la chanson française. On ne les traite pas trop mal quand ils veulent bien sortir un disque. De temps en temps.

Ils ont le look. Ils ont la ligne. Au début donc, il y a deux petits garçons ; les mêmes que l’on retrouve sur scène. Ils n’ont pas vraiment grandi. On a l’impression qu’ils se demandent toujours comme ils ont pu en arriver là ; l’un, pétri de doutes, l’autre, perfectionniste absolu, rien n’est jamais facile, rien n’est jamais acquis. Pour le concert tant attendu, ils ont soigné leur look. Souchon s’est fait beau en chemise blanche, Voulzy porte du pourpre (c’est son côté Prince…). Ils ont la ligne. Dans leur style. Ils sont même sexys. Ils enchaînent les tubes. Souvent l’un chante celui de l’autre ; tout s’emmêle, tout se fond, tout se mélange. La réconciliation. C’est comme si notre Yin et notre Yang, tout d’un coup s’équilibrait en nous. Le soleil poétise les blessures, les doutes, les “ coups de mou ” ; le froid s’insinue dans les rêves d’un pêcheur lumineux, lui donnant une profondeur, une humanité, à en pleurer.

Parler Souchon, swinguer Voulzy. Alors oui voilà ce qu’il se passe dans votre corps quand ces deux là se mélangent sur scène. Et l’on se dit que l’on a vécu intimement toutes ces années, avec ces chansons non, non, pas engagées, mais clairement visionnaires : l’émergence de nouveaux  modèles masculins dans Allô Maman Bobo, la mal bouffe avec On est foutu, on mange trop, la surconsommation avec Foule Sentimentale, la détresse des immigrés avec C’est déjà ça, la religion avec Et si en plus y’a personne, l’industrie du luxe avec Putain, ça penche, tout ça avec une légèreté délicieuse, bourrée d’autodérision, d’une tendresse folle, d’une élégance joyeuse et surtout d’une prescience affolante.

Il y a les mélodies de l’un : Cœur Grenadine, Le Soleil donne, Le Pouvoir des Fleurs, Karin Redinger, La Fille d’Avril, Jeanne, Belle-Ile en Mer… La langue de l’autre. Et puis parfois, voilà que c’est l’inverse. On s’y perd ; on s’en fout. Souchon, comme tous les grands que la chanson française a porté (Brel, Brassens, Ferré) et même parfois plus encore qu’eux, a inventé sa langue, personnelle et contemporaine : simple, orale, presque télégraphique, composée d’onomatopées volontairement régressives et touchantes (Zoom-zoom télé), de phrases sans verbe (On nous Claudia Schiffer. On nous Paul Loup Sulitzer), d’anglicismes et de métaphores, bien dans son genre. Et puis il y a ce dernier album ; avec des titres franchement mélodieux comme eux (Derrière nos voix) et d’autres franchement sensibles et impliqués, comme eux aussi : (L’oiseau malin : « Attention à ceux qui n’ont rien »).

Mythiques ? Of course not ! Dans l’histoire de la pop et du rock, les duos mythiques ne manquent pas. De retour du Stade de France après le concert de Sir Paul, serrés dans le RER comme les sardines de Patrick Sébastien, il m’est venu l’envie indécente de faire cette association là. Paul et John, Souchon et Voulzy, des âmes sœurs, des frères, des artistes précieux, dans leur complémentarité créatrice et géniale. J’ai eu, au concert de Souchon-Voulzy, les mêmes frissons qu’au Stade de France en écoutant Paul chanter les chansons des Beatles, composée avec son  “poto” John. C’était magique. Parce que c’était eux. Parce qu’ils étaient deux. Le Yin de l’un et le Yang de l’autre. Mêlés. Universels et éternels. Souchon-Voulzy ne sont heureusement pas encore devenus mythiques, mais on sait maintenant que ce qu’ils ont créé ensemble traversera le temps. On sait aussi qu’ils aiment encore la mer, le soleil, la musique et les filles. Qu’ils ont encore des choses fondamentales et poétiques à dire. Alors, profitons de la vie.

Rendez-vous les amis, partout ailleurs et en décembre, au Zénith de Paris.

Astrid Renoult

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