Trouver la joie dans le tragique de la vie

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Alexandre Jollien est joyeusement triste, c’est une de ses multiples qualités. Et il annonce clairement la couleur : « la vie est éphémère, on va tous claquer ! » À plus ou moins brève échéance, Dieu merci. Nous ne maîtrisons pas grand chose dans notre existence : la maladie, la souffrance, la vieillesse et la mort, inéluctable. Mais justement c’est sur le chemin de notre vie que se trouve la joie. Pour autant que nous acceptions les règles du jeu, avec la même sagesse espiègle d’Alexandre Jollien.

Notre guerre civile intérieure est notre tragédie

Parti en Corée pour suivre l’enseignement d’un grand maître bouddhiste pour vaincre ses démons et se guérir de son chaos intérieur, il a médité à fond la caisse de son propre aveu et est revenu, en pire. À une différence près, essentielle : il a guéri de l’idée de guérir ! Il a apprivoisé son chaos intérieur, s’en est fait un ami. Et de rien il ne fait plus un drame.

« La vie est suffisamment tragique pour ne pas y rajouter du psychodrame, même si certains humains y gaspillent leur énergie. L’expérience de la pacification intérieure ne dépend pas du mental. Toute acceptation imposée est une maltraitance à soi-même et aux autres. Nous pouvons tous tomber en amitié avec nos fantômes. »

Humain et vulnérable

D’ailleurs, Alexandre Jollien a l’humilité de reconnaître n’avoir toujours pas surmonté toutes ses addictions, dont sa dépendance aux autres. Il raconte, plus vrai que nature,  comment il a planté Christophe André sur un quai de gare à Genève pour ne pas manquer un Skype avec un ami coréen, à 15 heures précises, une addiction qui lui est chère ! Mais pour laquelle il ne se culpabilise plus, même s’il essaie de se changer. Il accueille avec bienveillance son acrasie et se fixe désormais des objectifs atteignables, renouvelables. Il y a une différence abyssale entre promettre plus jamais ça et réussir à s’abstenir pendant une heure. Puis une autre heure, puis encore une. La stratégie des petits pas renouvelés, voilà la meilleure façon d’avancer !

« Le rire c’est comme les essuie-glaces, ça n’arrête pas la pluie, mais ça permet d’avancer. » Gérard Jugnot

Vivre sans pourquoi

Arrêtons de nous raconter des mensonges, la lucidité est toujours bienveillante. Comme Montaigne nous y invite, aimons la vie comme elle se présente. Soyons disponible et cueillons la joie du présent. Chaque instant est parfait car il est donné. On ne peut fuir le tragique, il est la vie, alors dansons avec. Et « portons le chaos pour mieux accoucher d’une étoile qui danse ! » comme écrivait Nietzsche.

♦ « Dans un éclat de rire il n’y a pas de Moi, cet ego qui nous met la rate au court-bouillon. »
♦ « Aimer c’est aider l’autre à se détendre. »
♦ « La vie n’est ni une maladie ni une solution puisque ce n’est pas un problème. »

Reste chaque matin en se levant à développer sa pratique spirituelle, se demander quel bien apporter aux autres aujourd’hui et pouvoir compter sur des amis dans le bien auprès de qui on peut parler sans être jugé. Alors, la prochaine fois que le chaos survient, visualisez le sourire d’Alexandre Jollien qui vous dit fraternellement : « C’est le bordel, mais… y’a pas de problème ! »

Anne-Claire Gagnon

Vivre sans pourquoi -Itinéraire spirituel d’un philosophe en Corée d’Alexandre Jollien (Sciences Humaines-Religions et Spiritualité-Seuil, 2015).

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