Edmonde Charles-Roux, le charme et le pouvoir

0

C’est un portrait impressionniste et réaliste que la biographe Dominique de Saint Pern a écrit, en deux tomes tellement la vie de son héroïne l’a intriguée. En pénétrant dans le monde d’Edmonde, fille d’ambassadeur et épouse de politicien, elle dévoile une femme à la fois secrète, forte, rebelle et mondaine.

Un avant et un après

Le destin la voulait jeune fille rangée, mais l’Histoire, la guerre et la mort de son fiancé en Albanie orienteront différemment son avenir. Elle avait remonté la France occupée pour la libérer auprès du général de Lattre de Tassigny, bivouaqué à la dure en Allemagne en compagnie des troupes de la 5ème division blindée ; la guerre terminée, elle s’est retrouvée seule à Paris. Ce sera l’aventure du magazine Elle avec Hélène Lazareff, une rédaction créée en 1946 où de nombreuses femmes participent à l’émergence d’un magazine qui portait bien son nom. De grouillot pour ranger le bureau de la patronne, elle deviendra pigiste au grand dam de ses parents qui voient d’un mauvais œil leur cadette travailler dans la presse… si encore ça avait été au Monde !

VOGUE la galère

Après Elle, le directeur de Vogue l’embauche parce qu’elle est polyglotte, connaît tout le gotha français et sera parfaite en chroniqueuse théâtre, en expert de la mode, en témoin des fêtes aristocratiques, flanquée d’un jeune photographe industriel, Robert Doisneau, elle en robe longue et lui en défenseur de la lutte des classes. Elle servira de modèle pour des artistes connus jusqu’à Derain, le plus grand peintre vivant après Picasso, qui sera son amant, son ami, le secret sera bien gardé ! En voyage à New-York, Edmonde apprendra le prêt-à-porter aux dépens de la haute couture. Devenue rédactrice en chef, elle rencontre Maurice Druon, la voix de « Ici Londres » et « Les Français parlent aux Français » qui deviendra son nouvel amour, un communiste qui roulait en Rolls Royce, avant qu’il ne la quitte pour épouser sa secrétaire. Mais les boss de Condé Nast aux États-Unis décident de la virer (c’est comme cela qu’elle l’annonçait à ses amis, «  j’ai été virée »), trop classique, pas assez dans l’air du temps, elle qui était affublée d’un surnom qui lui allait comme un gant, « Edmondaine ».

Mordue d’écriture

Elle participera à l’écriture des « Rois maudits », publiera son premier roman « Oublier Palerme », le Goncourt 1966. Entretemps, toujours chômeuse mais collectionnant les amants, elle tombera amoureuse du maire de Marseille, Gaston Deferre, une liaison vécue en secret, et écrira son second roman « Elle, Adrienne », une vie de Gabrielle Chanel qui se déroule dans le Marseille qu’elle a bien connu. Ensuite viendra « L’irrégulière » qui retrace la vie en dents de scie de Chanel. Elle deviendra aussi la librettiste de Roland Petit pour les Ballets de Marseille et écrivit « Une enfance sicilienne ». Au téléphone, n’annonçait-elle pas « C’est Edmonde Charles-Roux. l’écrivain ! »

Edmonde ne signera pas le « Manifeste des 343 » pour défendre l’avortement et à Jacques Chancel qui lui demandait si elle était « féministe », elle répondit : « On n’est pas en Arabie saoudite ou dans un pays où les femmes sont tenues en tutelle. Il faut être femme d’abord et ça suffit largement. En tout cas, moi, ça me suffit. »

Vicky Sommet

« Edmonde » de Dominique de Saint Pern (éditions Stock, 2019), « Edmonde, l’envolée » de Dominique de Saint Pern (éditons Stock, 2022).

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.