Sujets « hors normes » ? Pensent-ils plus vite que les autres ? Sont-ils en suractivité cérébrale ? Créatifs même au repos ? Leurs deux hémisphères cérébraux coopéreraient plus facilement que ceux des droitiers ? Ou sont-ils des êtres exceptionnels parce qu’ils représentent seulement 10 à 15% de la population mondiale dans les pays sans tabou envers la « gaucherie » !
Déterminer la latéralité manuelle
Pour Jacqueline Fagard, chercheur émérite au CNRS, il y a plusieurs façons de devenir gaucher et l’on ne comprend pas encore très bien pourquoi on l’est, ni même pourquoi on est droitier. Elle en cherche la genèse et explique comment les influences d’origine génétique, environnementale et culturelle concourent pour déterminer la latéralité manuelle qui apparaît vers la 15e semaine de gestation. Des gènes sont exprimés de façon asymétrique chez 99,9 % des humains, ce qui est peut-être responsable non seulement des asymétries viscérales mais aussi de la rotation du cœur, elle-même rapidement suivie d’une torsion de l’axe vertébral. Puis le fœtus suce son pouce droit plus que le gauche, une asymétrie qui semble concerner plus de 80 % d’entre eux. Ce sont les futurs droitiers.
Toutefois il paraît clair que ces facteurs, qui sont aussi très probablement modulés par des facteurs épigénétiques, laissent une place aux influences environnementales et culturelles. La latéralité manuelle se révèle d’une grande plasticité puisqu’un changement de la main la plus active est observé dans de nombreuses circonstances.
Les gauchers malhabiles
Le terme « gauche » fait référence à l’idée de maladresse, contrairement au mot droitier dont découlent les mots droiture, adroit, etc… Il est plus facile d’écrire « proprement » avec la main droite qu’avec la gauche dans le système d’écriture de gauche à droite car on ne cache pas de la main ce que l’on vient d’écrire. Il existe par ailleurs dans certains cas des aspects pathologiques liés à la gaucherie. Dans les travaux récents, l’accent a été mis sur l’avantage que peut parfois procurer la latéralité à gauche. Une forte proportion de gauchers excelle dans certains sports d’opposition, comme le tennis, le ping-pong ou l’escrime. Étant donné la supériorité de l’hémisphère droit dans le contrôle visuo-spatial rapide, certains gauchers peuvent tirer avantage de ce que le traitement de l’information visuelle et l’activation de la réponse manuelle soient effectués par le même hémisphère.
La plaie des gauchers ?
Dans la pratique – moi gauchère contrariée – je serais tentée de répondre les droitiers ! En fait dans la société tout est fait pour eux : les ciseaux, les cahiers à spirales, les ouvre-boites, les stylos à plumes, les crayons à papier, les ports USB, les claviers numériques de l’ordinateur qui sont placés à droite, les chaises avec tablettes pour écrire à droite, etc… Quand on est petit c’est une véritable torture. À l’âge adulte, il paraît qu’on s’adapte.
Enfin, aujourd’hui on ne contrarie plus les gauchères ni les gauchers dans beaucoup de pays, sauf dans ceux où il existe encore un tabou pour utiliser la main gauche, surtout pour manger. Alors, souhaitons-nous la « gaucherie » de Léonard de Vinci, celle de Michel Ange ou autre génie de l’hémisphère droit. On croit qu’ils étaient gauchers, peut-être ambidextres, mais on n’a pas étudié leur cerveau.
Isabelle Brisson
(1) Revue Enfance des Presses Universitaires de France (2012)
Le Neurologue Bernard Croisile relève que de nombreuses études ont montré que les hommes sont plus souvent gauchers (entre 12,1% à 14,1 %) que les femmes (entre 9,7 et 11,8 %).