Lison de Caunes, très à la paille

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C’est un savoir-faire encore peu connu que Lison de Caunes a adopté pour passer de la réparation d’objets anciens en paille à la création d’objets décoratifs pour décorateurs d’intérieur ou de grandes marques qui veulent se distinguer avec originalité et audace. La marqueterie de paille a le vent en poupe !

Une digne héritière

L’héritage familial de Lison l’a peut-être fortement influencée. Son grand-oncle est le créateur de mode Paul Poiret, connu pour ses audaces et considéré comme un précurseur du style Art déco, « Méritais-je de donner ainsi une empreinte à mon temps ? », un styliste un peu oublié aujourd’hui bien qu’il ait débarrassé les femmes de leur corset. Sa grand-mère, Nicole Groult, fut la muse du Tout-Paris après avoir fondé sa propre maison de couture. Sa mère était la grande écrivaine féministe Benoite Groult qui a ouvert la voie aux femmes qui voulaient s’émanciper d’une société qui les enfermait dans un carcan. Son père était l’homme de télévision Georges de Caunes et son beau-père, Paul Guimard, un auteur reconnu. Difficile donc pour la jeune Lison de trouver sa place dans cette lignée de talents !

La paille, c’est son truc

Enfant déjà, elle avait toujours un ouvrage à la main et passait beaucoup de son temps chez son grand-père André Groult, décorateur et créateur de meubles. « La paille… faisait partie de ma vie, j’en avais toujours vu dans son atelier, lorsqu’enfant je m’y installais pour le regarder travailler, petites bottes sagement alignées sur le sol, fragiles brins de seigle mués par son inspiration en objets précieux », à tel point que Picasso proposa à son grand-père d’échanger un tableau contre un meuble mais il refusa. Paul Guimard lui a eu l’idée de demander aux membres de la famille de participer à un livre de nouvelles avec comme unique condition d’avoir déjà publié. Ainsi est paru « Des nouvelles de la famille » que son grand-père a salué en offrant une très belle reliure faite de maroquin et de marqueterie de paille. « L’histoire de la marqueterie de paille est parsemée d’une multitude de petits objets fabriqués avec une telle minutie, une telle patience, un tel amour de la perfection. Chacun est en lui-même une histoire. »

Artisane pour le meilleur et le pire

Lison a longtemps cherché sa voie jusqu’à être face à l’évidence, elle travaillerait avec ses mains. Elle se forma à la reliure, à l’ébénisterie, à la céruse, à la laque et la marqueterie de bois. Sa vie devint indissociable du travail en atelier. « L’atelier est mon royaume, mon refuge. J’y suis moi-même, complète et entière… Le corps est ainsi fait, lorsque la main gouverne, plus rapide que l’esprit, elle devient la détentrice des sens. » Entourée d’une quinzaine d’ouvriers, elle travaille la paille mais aussi le parchemin, le galuchat et la coquille d’œuf. Surnommée « la papesse de la paille », il lui fallut, pour retrouver l’histoire de la marqueterie, consulter l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert pour en trouver la trace sur une trentaine de pages consacrées au bois et une ligne à la paille.

Créations, expositions, collections, tout s’est enchainé. Des vitrines de la boutique Hermès aux fournitures pour les intérieurs de Jacques Grange, des stands pour la Biennale des Antiquaires à une suite pour l’hôtel du Cheval Blanc, la paille a gagné ses lettres de noblesse, même s’il a fallu redynamiser la récolte de paille de seigle. « Moi je me consacre à l’atelier aux projets qui me tiennent le plus à cœur, créations uniques, commandes spéciales qui nécessitent mon expertise. J’ai collé suffisamment de mètres carrés de paille dans ma vie pour aujourd’hui faire ce qui me plait ».

Dans le cadre d’un reportage sur son atelier, il est dit d’elle « Lison, en devenant maître d’art, en modernisant la création de la marqueterie de paille… est devenue incontournable dans le paysage français et étranger des métiers d’art ». Et elle, de conclure : « Je me dis que j’ai atteint mon but ».

Vicky Sommet

*« La paille en héritage » de Lison de Caunes aux éditions du Regard (2023)

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