La colère, une émotion contemporaine

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Nous vivons une époque de mécontentement, de désenchantement et de frustrations. D’où une colère rentrée, passagère ou légitime. Qu’elle s’exprime publiquement avec des mouvements d’indignés ou intimement en famille, elle est nécessaire quand le trop plein étouffe. Un mal ou un bien, comment vider la coupe quand elle est pleine ?

La colère, un sentiment solitaire

Quand les mots manquent, que la justice est bafouée, que la défaillance l’emporte sur la force, la colère est une réponse parfois incontrôlable mais utile pour préserver l’estime de soi. Vue de l’extérieur, elle semble contraire à la raison mais plus on s’en approche et plus on comprend qu’elle est une réaction à une impuissance à communiquer. Ni malveillance, ni méchanceté, ni haine, la colère est certes égoïste, elle effraie si elle est spectaculaire et peut parfois s’apparenter à une menace. Elle a pourtant ses lettres de noblesse lorsqu’elle veut défendre la dignité ou l’insoumission. Fini le temps du zen ou de la coolitude, aujourd’hui, on dit ce qu’on pense et on fait ce qu’on dit !

La colère est partout

Des manifestants aux banderoles où la colère se manifeste par des slogans, des candidats malheureux en politique qui se répandent dans la presse, des réactions aux nominations dans l’entreprise ou simplement, des injustices sociales aux punitions familiales, la colère sert à protester pour faire valoir ses droits. N’avons-nous pas un passé révolutionnaire, nous les Français, un idéal qui nous guide pour exprimer notre bon vouloir ? Selon Platon, persuader n’est pas convaincre, alors parfois, il faut frapper fort… avec les mots et pas avec les poings ! Même si pour Sénèque, le coléreux a des traits « grimaçants et bouffis, défigurés et hideux », pour Kant, la colère doit être dominée grâce à « une discipline intérieure de l’esprit ».

La colère est souvent fondée

Pulsion de vie, la colère est à la fois irréfléchie et expression de la raison. Elle est chargée d’émotions mais il ne s’agit pas de laisser l’émotion agir mais d’agir sur ou avec elle. Le mot colère n’existe pas chez les Inuits, le climat difficile suffit à calmer le jeu, le Japonais en colère sourit et l’Anglais lui substitue le dédain, témoin le « never explain, never complain » de la reine Victoria. Si la raison dit le « comment » des choses, l’émotion dit leur « pourquoi ». La colère est tout sauf passive et permet de mobiliser son énergie, de relever des défis, et de trouver au final une certaine satisfaction. Celui qui est en colère crée un lien fort avec son protagoniste puisqu’il veut changer la nature de leur relation.

La colère ne se cache pas derrière un masque, au contraire, elle rougit les joues, élève la voix, attire et repousse, de l’irritation à l’indignation, de la fureur à la maîtrise, elle est au centre des relations humaines. De la rancune à la vengeance, de la revanche à la résilience, la palette des émotions est large et si certains préfèrent la fuite à la colère, elle permet de rester en vie puisqu’elle s’oppose à l’indifférence !

Vicky Sommet

« Au bout de la colère » de Michel Erman (éditions Plon, 2018).

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