L’art sur ordonnance

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Au même titre que la lecture, l’art est bon pour la santé tant physique que mentale telle est l’expérience que nous fait partager le neurologue Pierre Lemarquis en nous invitant à visiter son musée thérapeutique imaginaire.

L’art sculpte et caresse notre cerveau

Savez-vous que la vision d’une œuvre artistique dope deux facultés de notre cerveau : la connaissance et le plaisir ?  « Une partie qui capte les informations qui nous entourent, qui les compare à ce que l’on a en mémoire ⌈…⌋ nous avons une autre partie, archaïque, celle du plaisir et de la récompense, qui nous donne envie de vivre. L’art agit sur les deux : il sert à élargir notre état d’esprit, à nous apprendre de nouvelles choses, il agit sur la plasticité cérébrale et donc sculpte notre cerveau, mais aussi agit sur nos émotions, il caresse notre cerveau et stimule les hormones responsables du plaisir et de l’attachement. » En particulier la dopamine essentielle à notre motricité (qui manque aux personnes atteintes de Parkinson), nécessaire à notre capacité à gérer notre élan vital, précieuse pour aiguillonner notre goût de vivre. La sérotonine (régulateur d’humeur), l’ocytocine (hormone de l’amour et de l’attachement) et la morphine endogène (antalgique)) sont aussi sécrétées. En revanche, la perception d’un tableau en inhibe d’autres comme le cortisol, hormone du stress.

Le pouvoir des images

Les images peuvent aider à renaître, à se reconstruire et à se protéger. Au-delà du facteur esthétique, lorsque l’on plonge notre regard dans un tableau, une dimension humaine et sociale se dessine. Une relation affective, une interaction possible s’établit avec l’œuvre comme avec un être vivant. Notre cerveau cherche à y trouver du sens. Nos « neurones-miroirs » favorisent une certaine empathie esthétique, celle qui nous permet de nous retrouver dans un personnage : « Si l’on contemple La Joconde on devient un peu Mona Lisa. Car l’art parle à tous, la science l’a démontré. Que sa perception soit sensible, chimique ou cognitive, il se ressent et se vit. Croire qu’il serait réservé à une élite tiendrait du contresens. »

« Un jour on saura peut-être qu’il n’y avait pas d’art, mais seulement de la médecine. » J.M.G. Le Clézio

Surmonter la douleur

« Magnifier son existence », « trouver son tuteur de résilience », « métamorphoser sa souffrance », trois femmes  ont su projeter leurs souffrances et démons intérieurs dans la création artistique.
Aloïse Corbaz, jeune femme suisse d’origine modeste, internée un demi-siècle suite à un diagnostic prononçant sa schizophrénie, s’exprima à travers des œuvres de plus en plus monumentales et colorées évoquant la splendeur sublimée d’une vie passée à la cour de Guillaume II au Château de Sansouci en tant que gouvernante. « Un merveilleux théâtre […] plan de refuge inattaquable » dira Dubuffet.
Niki de Saint Phalle, victime d’un viol paternel à l’âge de 11 ans et d’une éducation familiale destructrice, internée à 22 ans, trouva aussi « sa stratégie de survie » dans l’art, pansant ses blessures à travers une expression libre et joyeuse (Nanas) et parfois plus radicale avec « ses tirs » à la carabine, échos symboliques à une jeunesse fusillée.
♥ Charlotte Salomon dont l’œuvre lumineuse fut le reflet d’une force de vie incommensurable face, elle aussi, à un destin familial dramatique (suicides de sa sœur, de sa mère puis celui de sa grand-mère liés à une bipolarité) et face à l’Holocauste qui l’emportera à Auschwitz.

« Si un couteau te blesse, il faut mettre un pansement… sur la lame du couteau. » Joseph Beuys

Des grottes de Lascaux aux cabanes Navajos, de la Tentation de Saint Antoine  de Jérôme Bosch à l’Icare de Matisse, du cabinet de Lacan abritant l’Origine du Monde de Courbet aux hôpitaux des enfants malades habités par les créations de Keith Haring, Pierre Lemarquis dans sa déambulation muséale développe sa vision d’un art préventif et curatif. Cette démonstration est corroborée par une étude sur l’art et le bien-être de l’O.M.S. (2019). Des médecins signent déjà à leurs patients une prescription muséale en complément de protocoles de thérapie (diabète, dépression, Alzheimer). Aucune contre-indication, ni effets indésirables !

Christine Fleurot

L’art qui guérit – Pierre Lemarquis – Préface de Boris Cyrulnik  (Éditions Hazan, 2020).

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