Le running est-il un sport féminin ?

0

La course à pied bénéficie d’un engouement qui se mesure en kilomètres pour les semelles, en mètres/heure pour les connectées et en marathons à travers le monde pour les vraies mordues du « running ».

Parité et course à pied font bon ménage

C’est une enquête de 2014 qui le confirme, on recensait 9,5 millions de coureurs en France, soit 20% de la population, 51% d’hommes et 49% de femmes. Les courses en sont le témoin, car si des épreuves leur sont spécifiquement réservées comme La Parisienne, d’autres sont ouvertes à tous sans distinction de sexe, si ce n’est parfois des longueurs de parcours adaptées. Pour rappel, les femmes étaient interdites de marathon jusqu’au début des années 70. La raison de ce succès, le désir de faire du sport, le plaisir de se dépasser et de partager un effort quand toutes les barrières disparaissent que ce soit l’âge, l’origine, le vêtement ou les différences sociales. L’Occident a fait des émules avec le marathon de Bamiyan en Afghanistan, une course mixte où des femmes musulmanes courent encore timidement, coiffées d’un foulard et couvertes d’une longue chemise.

La course à pied, un héritage ancestral

C’est à Martine Segalen, sociologue et ethnologue, que l’on doit le livre  Les enfants d’Achille et de Nike où elle raconte l’histoire des traditions de la course à pied. La course étant d’abord un moyen de locomotion, dans certaines ethnies on court ou on marche, alors qu’en Occident, jeux ou cérémonies, on court pour faire du sport et gagner. Des Indiens Omaha aux Pygmées, des Bushmen aux Bororo d’Amazonie, on court lors des cérémonies funéraires, pour la quête de pluie ou les rituels de puberté.

La course, on aime … ou pas !

Martine Segalen sait convaincre lorsqu’elle parle de la course qu’elle pratique depuis les années 70 et qui lui apporte un réel bien-être. « Cette activité recèle tous les signes d’un rituel, caractère répétitif, passage d’un état psychique et physique à un autre puis retour au monde civil après purification ». À la différence du discours des hygiénistes du 19ème siècle où on s’inquiétait des méfaits du sport sur le corps des femmes. Maintenant, les marathons ont envahi les grandes villes du monde : Paris, Berlin, New-York ou Boston, l’un des plus anciens, où la ligne de départ reste marquée sur la chaussée et que l’on visite comme un monument historique. Ou encore le sport extrême avec les trails, de longues courses en pleine nature, comme la Diagonale des fous ou les 100km de Millau.

« Notre mode de vie nous a transformés en gens assis. Or la course, c’est la mise en jeu complète du corps, on n’a pas de balle ou de batte, on se donne soi-même, le corps est à la fois le but et l’outil. Courir, c’est rapide, ça peut se faire partout et n’importe quand. C’est facile, ça fait transpirer beaucoup, et quand on a fini, on passe par la douche. C’est un bien-être corporel extraordinaire et après on reprend son costume de travailleur, avec quelque chose en plus, une plénitude acquise. Il y a ce phénomène de libération de la pensée, les jambes roulent, la tête se sent bien, sans être dans la souffrance bien entendu. Il n’y a pas beaucoup de sports qui offrent ça ! » Martine Segalen

Transpirer pour le plaisir et se sentir exister

On ne s’ennuie pas quand on court, à la différence de la gymnastique ou de la natation, on réfléchit, on récite des poésies, on chante intérieurement et on compte ses longueurs. Le tout rythmé par une respiration régulière, le claquement des pieds sur le sol ou les chants des oiseaux ! Et pour que le jour où on ne pourra plus courir arrive le plus tard possible, il faut doser son effort, ralentir son rythme et surveiller son souffle. « Georges Brassens voulait passer sa mort sur un pédalo, moi ce sera en courant ! » conclut Martine Segalen.

Vicky Sommet

Les enfants d’Achille et de Nike de Martine Segalen (Éditions Métailié, mai 2017, 280 pages, €19).

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.