Passer de la plainte à l’émerveillement

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« Qu’est-ce que l’émerveillement, est-ce aussi sérieux que cela ? » Bertrand Vergely, normalien agrégé de philo, auteur d’un ouvrage sur le sujet, répond à la question : non seulement essentiel, mais indispensable à l’équilibre de chaque être humain, l’émerveillement permet de s’ouvrir au monde.

C’est quoi s’émerveiller ?

Si le mot est proche de l’admiration, de l’étonnement, du sublime ou de l’extraordinaire, il n’a pourtant pas tout à fait la même signification. L’émerveillement, c’est ce qui se passe quand on fait PLUS QUE admirer, s’étonner, être dans l’extraordinaire, dans le sublime. S’émerveiller, c’est se laisser totalement envahir par l’admiration, c’est une jubilation qui m’emmène encore au-delà. L’étonnement est un détonateur, un coup de tonnerre dans nos vies, l’émerveillement en résulte : je m’étonne au-delà des apparences, je dépasse la réalité.

Pourquoi faire ?

C’est un état qui nous guérit, nous qui sommes malades de ne plus vivre d’une manière miraculeuse. Il s’éveille souvent dans les moments de grands bonheurs ou d’extrêmes malheurs ; dans la maladie par exemple  « j’ai un cancer, mais je ne suis pas une cancéreuse, je suis toujours vivante ». C’est l’état dans lequel l’artiste crée. Poètes, peintres, musiciens provoquent l’émerveillement en transfigurant la réalité. Savants et techniciens nous montrent ce que la nature et les hommes savent faire. S’émerveiller c’est d’abord regarder sans juger, puis être généreux, c’est-à-dire s’estimer soi-même et se rendre justice « merci d’être ce que je suis  ». Il ouvre au monde, à l’humanité, à la vie.

« Notre devoir le plus impérieux est peut-être de ne jamais lâcher le fil de la Merveille.
Grâce à lui je sortirai du plus sombre des labyrinthes. »
Extrait de Derniers fragments d’un long voyage de Christiane Singer

Secrets et recettes pour s’émerveiller

Comment faire pour s’extraire du quotidien, notamment nous les femmes dont c’est le lot ? Chacune d’entre nous a ses secrets et ses recettes pour y parvenir, citons pêle-mêle : s’émerveiller sur soi-même d’abord et être bien à l’intérieur de soi, vivre l’instant présent (ne pas penser à hier qui donne des regrets ou se projeter demain qui réveille des angoisses), ressentir plutôt que penser, se libérer des jugements, être disponible (à des rencontres, des images, etc.), ne pas être trop réactive, prendre de la distance et relativiser, se lever chaque matin en étant consciente de ne pas être ordinaire, être connectée avec l’au-delà, porter un regard hors jugement, regarder ce qui est beau, dire merci, se faire aider pour aider, rendre justice à soi-même.

Regarder Human le film de Yann Arthus-Bertrand qui permet de sentir connectée au monde en se reconnaissant dans bien des interviews, faire les 3 kifs par jour recommandés par Florence Servan Schreiber ou encore lire chaque matin une pensée du livre de François Gervais, Au Jardin de la vie.

Soyons des montreurs !

Dans une famille, on ne dit jamais assez à ses enfants « Viens voir, regarde comme c’est beau ! ». Le « Est-ce que tu te rends compte ? » dit par la mère (premier guide spirituel…) éduque au merveilleux. Se dire les uns aux autres « Tu pourrais t’étonner », « Ce n’est pas normal ». S’émerveiller ne veut pas dire être naïf et inconscient : voir que le mal existe, mais savoir qu’il existe des possibilités pour s’en sortir.

Notre plus grand travail, c’est aimer la vie ici et maintenant et rendre grâce pour les merveilles qui nous entourent pour s’ouvrir à ce qui est la musique de l’existence : passer de la plainte à l’émerveillement qui n’est pas seulement sérieux… mais fondamental.

Marie-Hélène Cossé

¹Retour à l’émerveillement de Bertrand Vergely, essayiste français, professeur de philosophie en khâgne et théologien orthodoxe. (Albin Michel 2010, Poche 2017).

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