Avant les grandes expositions du printemps, il est encore temps de frissonner face aux Visages de l’effroi au Musée de la Vie romantique et d’avoir la tête dans les nuages sous les Climats artificiels à la Fondation Electra-EDF.
VISAGES DE L’EFFROI
N’ayez pas peur, il ne s’agit aucunement d’une exposition d’horreur, mais plutôt de voir de quelle manière les artistes mettaient en scène l’effroi, c’est-à-dire ce moment fugitif de crainte.
L’Ancien Régime vit ses dernières heures, la Révolution va éclater, les têtes tomber, les guerres napoléoniennes embraser l’Europe… et le sentiment romantique émerger. Bien qu’existant plus précocement en Allemagne (avec le mouvement Sturm und Drang que l’on peut traduire par Tempête et Passion) et en Angleterre avec les peintres comme Füssli et Blake, ce sentiment naît au XVIIIe siècle avec le goût du temps qui passe et des ruines, le sens de l’histoire et de la légende (la « Légende d’Ossian » de MacPherson, le culte voué à Shakespeare…), le rêve… Tout sentiment est alors codé, académiquement parlant, et les artistes vont tenter de passer outre.
Comment représenter la violence ? On met en scène les drames historiques où le héros vertueux est l’exemple à suivre… (Jacques-Louis David est alors le grand maître). La mort est l’issue nécessaire, elle délivre et honore le héros (bien entendu masculin, puisque les femmes, elles, pleurent !). La mort, la violence et la guerre sous la Terreur s’invitent. Journaux et libelles véhiculent l’image du trépas, de la tête coupée (Louis-Jules-Frédérique Villeneuve – Matière à réflexion pour les têtes couronnées). Certains artistes vont oser alors le regard douloureux, féroce. Une certaine esthétique morbide en ressort et s’installe. Les « affaires » sont aussi sujettes à représentation (L’Affaire Fualdès), l’innocence des victimes fait horreur. On montre du doigt les « méchants ». On décortique le corps humain…
Le plus amusant dans cette très riche exposition (de ce si joli musée parisien), c’est la section consacrée aux héros légendaires, ceux qui n’ont jamais existé mais fasciné tout un public. Regardez la folie de Lucy Ashton, La Fiancée de Lammermoor de Walter Scott, toute recroquevillée dans l’âtre de la cheminée, dans sa robe de mariée tachée du sang de son époux détesté (Émile Signol). Examinez la pauvre Juliette drapée dans son linceul succombant dans les bras de Roméo, peinte par Delacroix ou ce pauvre Rizzio assassiné devant Marie Stuart (sa maîtresse) de Désiré-François Laugée.
Mais il y a aussi l’enfer, celui de Dante et cet espace d’effroi narré par James MacPherson. Ossian, un vieux barde aveugle raconte les exploits d’un héros gaélique et de ses compagnons. Épisodes sentimentaux et guerriers seront alors mis en peinture par les plus grands peintres – Ingres, Girodet, le baron Gérard… – comme un dialogue entre les vivants et les morts dans une atmosphère irréelle.. (Jean-Auguste-Dominique Ingres- Le Songe d’Ossian). Alors si vos pas vous portent vers la rue Chaptal, n’hésitez pas.
Visages de l’effroi– Jusqu’au 28 février 2016-
Musée de la vie romantique– Hôtel Renan-Scheffer-16, rue Chaptal-75009 Paris-
Du mardi au dimanche de 10h à 18h.Fermé les lundis et les jours fériés.
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CLIMATS ARTIFICIELS
Il est toujours intéressant de voir comment une commissaire d’exposition (qui nous a enchantés avec par exemple son travail sur Niki de Saint Phalle) s’empare d’un thème très sensible qu’elle illustre par des œuvres et des créations d’artistes.
La Fondation Electra-EDF a donné carte blanche à Camille Morineau (et sa complice Lucia Pesapane) pour « créer une exposition sensible qui met en perspective le changement climatique à travers la vision d’artistes contemporains de renom ». Il ne s’agit pas ici de contestation, mais bien d’œuvres artistiques, poétiques dont le climat est le sujet, la matière du travail. Vous commencerez par entrer dans la cage au nuage. Une façon d’entrer dans le jeu, puisque vous pourrez en montant l’escalier vous trouver au-dessus… des nuages. L’installation de Tetsuo Kondo, Cloudscape (2012) est montrée pour la première fois en France. Photos, vidéos, bien entendu, sont là pour illustrer, raconter, inventer. Avec Sky Tv, Yoko Ono, dès 1966, nous invite à percevoir le ciel comme faisant partie de notre environnement intérieur par le biais d’un moniteur. Comment représenter un nuage ? Charlotte Charbonnel crée Halo en 2015. C’est l’illusion d’un nuage comme un élément pris entre deux lamelles d’un l
aboratoire. Les installations de plantes de Vaugn Bell (2008), des serres dans lesquelles vous passerez la tête vous invitent à vous immerger dans une jungle, à ressentir la chaleur de la végétation alors que vous êtes dans un espace d’exposition. Entre fiction et réalité, c’est étonnant et très sérieux, sans être grave. Tout n’est qu’équilibre. Poussez la porte, c’est gratuit !
Climats artificiels – jusqu’au 28 février 2016- Entrée libre
Espace Fondation EDF – 6 rue Récamier 75007 Paris-Du mardi au dimanche de 12h à 19h (sauf jours fériés),
Béatrice Leroux-Huitema
Mid&Art