Kimono, le corps sublimé

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À l’origine, simple costume des Japonais, hommes et femmes confondus, le kimono est devenu une véritable œuvre d’art élevé au rang de « trésor national vivant ». Il se porte selon des codes précis,  son tissu, sa couleur révélant la classe sociale et le statut marital.

Bien ancré dans la culture

Importé de Chine à l’époque Heian (794-1192), le port du kimono se développe  progressivement au Japon jusqu’à devenir très populaire. À la période Edo (1603-1867), les manches sont devenues plus longues mais sa forme basique n’a pratiquement plus évolué. Certes, les occasions de revêtir le kimono se raréfient, mais  sa tradition reste ancrée dans la culture japonaise et, au cours du temps, le vêtement féminin s’occidentalisa beaucoup moins vite que celui des hommes. De nos jours, les femmes continuent de le porter à l’occasion de cérémonies particulières (mariages, visites au sanctuaire..). Il n’est pas rare de croiser des femmes de la bourgeoisie en kimono qui se rendent à une cérémonie du thé dans les halls des grands hôtels à Tokyo. Pour les jeunes enfants, le troisième jour après la naissance, on célèbre le port du premier kimono. De même que l’on va au sanctuaire shinto célébrer les 3 ans et les 7 ans des filles, les 5 ans des garçons. Les enfants sont vêtus de kimonos richement décorés.

Des œuvres d’art

C’est à l’occasion de l’exposition universelle de 1867 à Paris que les Français découvrent le Japon et en particulier les kimonos portés par des jeunes femmes servant le thé dans les pavillons. Au Japon, les artistes font des kimonos de véritables objets de luxe en utilisant des matériaux précieux (soies, brocards. taffetas..) brodés ou peints de compositions très raffinées. Les fleurs ont une portée symbolique particulière. Le prunier évoque la pureté virginale de la jeune fille ou la naissance du sentiment amoureux. La fleur de cerisier renvoie à l’épanouissement de l’amour, la giroflée au jeu des caresses, tandis qu’un motif de vigne vierge évoque des amants qui s’enlacent¹. Quelques unes de ces œuvres ont été exposées au Musée Guimet en 2017 grâce aux prêts de la maison de mode japonaise, Matsuzakaya, fondée en 1611. Ce fut également l’occasion d’y découvrir les déclinaisons modernes de couturiers qui ont su garder l’esprit des anciens maitres japonais.

Le reflet de la condition des femmes

Entourée de bandes de tissu, la femme est protégée, inaccessible. Sur le kimono, le corps est serré dans une ceinture de tissu rigide enroulée autour de la taille² qui aplatit la poitrine. Des socquettes immaculées³ et des sandales4 entravent davantage la liberté du corps en imposant une démarche contrainte, à petits pas prudents. La littérature japonaise classique regorge d’allusions à la séduction des femmes japonaises. Le col du kimono qui laisse entrevoir la nuque, constitue ainsi la première parure de la femme japonaise et la forme du vêtement est étroitement associée au charme. Le rituel de séduction s’élabore aussi sur le maintien corporel et l’art de suggestion de la peau. Dans sa démarche, la geisha5 remonte le pan de son kimono, ce qui laisse entrevoir la cheville et le pied, le poignet laisse entrevoir le bras à travers la manche.

Simples vêtements à l’origine, leur sophistication démontre à quel point les Japonais ont toujours été capables d’élever au rang  d’œuvres d’art, les matériaux les plus simples.

Michèle Robach

¹Souyri, Pierre-François ; Pons, Philippe. L’esprit de plaisir, Payot.
²Obi.
³Tabi.
4Zori ou geta.
5L’appellation geisha est devenue un terme générique galvaudé. À l’origine, il désigne des femmes cultivées  sachant danser et jouer des instruments de musique traditionnels pour le plaisir des hommes.

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