Lumière naturelle, pas de téléobjectif, au plus proche du sujet telle est la technique de Lucien Clergue. De la mélancolie et de la noirceur des premières années à la vitalité et à la générosité de ses nus, feuilletez au Grand Palais ses Premiers Albums, base fondatrice de son travail de photographe.
Lucien qui ? Certains ont oublié Lucien Clergue jusqu’au moment où brandissant votre smartphone vous affichez un Nu zébré… Ah oui, bien sûr, magnifique ! Pas de chance l’exposition du Grand Palais s’arrête aux années 1970 et donc pas d’accrochage de cette sublime série ! En revanche la découverte de ses Premiers Albums au Grand Palais donne au visiteur toutes les clés pour comprendre son travail et son acharnement à faire reconnaître la photo comme un art à part entière.
Tout sur sa mère. Pas facile pour ce petit garçon de 10 ans de retrouver en 1944 sa ville natale d’Arles complètement détruite par les bombardements. Pas aisé non plus de vivre seul avec une mère aimante mais malade et sans ressources. Cette dernière percevant rapidement la sensibilité artistique de son fils lui offrira en premier lieu un violon et des cours puis, pour ses quinze ans, son premier appareil photo. De la musique, en particulier de sa passion pour l’écriture de Bach, il gardera cette rigueur dans la construction de ses images.
Vénus callipyge. L’exposition s’ouvre sur cette partie anatomique charnue d’un marbre, référence à la beauté antique de la Vénus d’Arles, ville que Clergue quittera rarement ou que pour mieux y revenir. L’histoire dit que le jeune Lucien n’osant s’approcher des courbes marmoréennes tendait son mouchoir blanc pour mesurer les proportions à distance… Ces références à la sculpture émergeront beaucoup plus tard dans sa série pleine de joie des Corps mémorables.
Le soutien des maîtres. Arles n’est pas loin de la vibrionnante Avignon où Vilar a installé son festival. Ayant abandonné ses études jeune, travaillant pour subvenir à ses besoins, Lucien Clergue à soif de culture et de rencontres. À 20 ans, il y croise Picasso. Cette amitié sera décisive. Ses encouragements, ses recommandations auprès de Cocteau en particulier puis auprès d’Éluard et de Saint-John Perse lui seront salutaires. Cocteau, celui qui lui donnera le meilleur des conseils :
« Ne venez pas à Paris, surtout gardez votre identité ».
Une culture singulière. Arles, la Camargue, la tauromachie, les flamands roses, Van Gogh, Fréderic Mistral, les Gitans sont en effet au cœur de son œuvre. Malgré des escapades aux États-Unis (Edward Weston est son maître absolu), Lucien Clergue reviendra toujours vers la lumière de sa région natale. Les plages seront « son plus grand terrain de jeu » : à preuve, la série graphique, Langage des sables, objet de sa thèse soutenue devant Barthes (sans texte !).
Fresque cinétique
Cent-quatre-vingt-dix-huit tirages (40×60) représentant son travail exploratoire au plus près de la nature camarguaise exposés côte à côte sur un seul mur. Lumière, énergie, vibrations, sables, végétation… cette série baptisée Contrastes emporte le visiteur aux frontières de l’abstraction.
Un parcours en noir et blanc, loin de la photographie à caractère social et people, où transpire à chaque tirage cette « rage » de Lucien Clergue à creuser son propre sillon, singulier et poétique.
Christine Fleurot
Remerciements à Françoise Künzï
Exposition Lucien Clergue » Les premiers albums » du 13 novembre 2015 au 10 février 2016 dans les Galeries Nationales du Grand Palais, entrée Winston Churchill. Billetterie en ligne