Après Virginie Despentes (2015) et Emmanuelle Richard (2016)¹, le Prix Anaïs Nin² vient d’être décerné à Nina Leger pour son roman Mise en pièces au bout du quatrième tour de scrutin et après, dit-on, des « discussions houleuses » au sein du jury…
Quelle était la sélection de ce prix destiné à faire découvrir de jeunes auteurs français à l’international et plus généralement à promouvoir le livre élu auprès des éditeurs anglais et américains ?
- Beaux Rivages de Nina Bouraoui (J.C. Lattès, août 2016, 252 pages) ou la radiographie d’une séparation. Un livre pour tous les quittés du monde afin de se rappeler que nous sommes tous égaux devant un grand chagrin d’amour mais que l’amour triomphera toujours.
- Marlène de Philippe Djian (Collection Blanche, Gallimard, 2 mars 2017, 224 pages) ou le récit de deux amis d’enfance, vétérans de l’Afghanistan, rentrés du combat et peinant à retrouver une vie ordinaire jusqu’à la rencontre avec Marlène. Vers une tragédie ?
- Écrire à l’élastique de Nicolas Fargues et Iegor Gran (P.O.L., 2 mars 2017, 224 pages), roman épistolaire à quatre mains, quatuor amoureux, où l’on parle de la difficulté à écrire, de l’exil, des femmes, de l’amour, de la virilité aussi. Comment faire le tri dans la tête des hommes ?
- Article 353 du code pénal de Tanguy Viel (Éditions de Minuit, janvier 2017, 174 pages) ou le récit noir de Martial Kermeur, ouvrier breton, floué par la vie, qui va jusqu’à commettre l’irréparable. Un beau roman plein d’humanité qui parle du mal qui est en l’homme.
- Un saint homme d’Anne Wiazemsky (Collection Blanche, Gallimard, février 2017, 128 pages) où l’auteure rend hommage à l’aumônier qui l’encouragea à prendre la plume durant son adolescence à Caracas et à la beauté de ce lien invisible qu’ils ont tissé pendant de nombreuses années.
La gagnante. Nina Leger pour Mise en pièces (Collection Blanche, Gallimard, janvier 2017, 160 pages), récit d’une « romance » érotique dans laquelle la narratrice Jeanne, de chambre en chambre, rencontre des hommes, verrouille des portes qui l’enferment avec des inconnus et les rouvre un peu plus tard, emportant avec elle le souvenir du sexe qu’elle a mis à nu, oubliant la personne.
Notre gagnante. Anne Wiazemsky pour sa jolie plume dans ce nouveau livre délicat. Et puis ses émouvantes biographies familiales et son incroyable parcours de petite fille de, femme de, jeune actrice, scénariste, réalisatrice et femme engagée.
« – Allô ? Allô ? Anne ? C’est vous ? Oui, je reconnais votre voix. Elle n’est plus la même, plus grave, moins enfantine. Mais tout ce temps qui a passé. […] Vous entendre, à la radio tant d’années après, vous ne pouvez imaginer le choc ! Et là, juste dans la façon dont vous avez dit allô, je vous ai reconnue !
– Père Deau ! »
Marie-Hélène Cossé
¹Virginie Despentes remporte le prix de la première édition 2015 avec son roman Vernon Subutex 1, tandis qu’Emmanuelle Richard remporte le prix en 2016 avec son deuxième roman Pour la peau.
²Crée en 2015 par Nelly Alard, comédienne de théâtre et de télévision, scénariste, journaliste au magazine Télérama, romancière, Moment d’un couple (Folio, 2013) et Capucine Motte, romancière. La Vraie Vie des jolies filles (Lattès, 2010), Apollinaria : une passion russe, (Lattès, 2013, Prix Roger Nimier). Le jury 2017 était constitué, comme en 2015 et 2016, d’écrivains français et d’agents littéraires anglais et américains, aux côtés de Nelly Alard et Capucine Motte, co-fondatrices² du prix : Mohammed Aïssaoui, Pierre Bontemps, Françoise Cloarec, David Foenkinos, Philippe Jaenada, Lucinda Karter, Judith Housez, Baptiste Liger, Koukla MacLehose, Georges Saier, Leila Slimani, Karine Tuil.
Pourquoi Anaïs Nin ?
Révélée par ses journaux intimes écrits sur plusieurs décennies, offrant une vision profonde de sa vie privée et de ses relations, cette américaine d’origine franco-cubaine (1903-1977) a été sans doute un des seuls écrivains à avoir été traduit à la fois du français vers l’anglais et de l’anglais vers le français. Ses thèmes : la libération des désirs de la femme écrits noir sur blanc. Son ton ? D’une grande liberté, une écriture fine, adroite et sensuelle, un symbole de liberté face à l’ordre moral, un désir d’agrandir le champ de la conscience, le sexe en étant un moyen.