La rentrée littéraire de la rédaction

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Autant de livres que de regards. Le choix de l’équipe de Mid&Plus pour la rentrée littéraire est le juste reflet de l’esprit qui anime notre site : curieux et éclectique !

♦Le ciel par-dessus le toit de Nathacha Appanah (Gallimard, 128 pages, €14)
pour Christine Fleurot
Ce court roman commence comme un conte : « Il était une fois » mais loin d’un récit imaginaire, il nous narre une tragédie familiale bien ancrée dans la dure réalité de notre société contemporaine, celle des plus démunis, des accidentés de la vie. À travers un billard à trois bandes mère-fille-fils (pas de père !), l’auteur s’interroge sur la transmission, l’hérédité et sur le sort d’une jeunesse à la dérive. Il y est aussi question d’enfermement, d’abandon et de non-dit.  Il faudra passer par la case Prison pour que ce trio au cœur brisé entrevoit « le ciel par-dessus le toit ». Ce livre goncourable est certes sombre mais éclairé par la grâce du style de la romancière : poétique, économe et fluide.

« Parfois, on aimerait savoir, n’est-ce-pas, la nature exacte des paroles : leur poids sur les âmes, leur action insidieuse sur les pensées, leur durée de vie, si elles sucrent ou rendent amers les cœurs. »

Camille de Thierry Caillat (éditions L’Harmattan, 250 pages, €23)
pour Vicky Sommet
De Camille Claudel, il ne connaissait que le nom et, c’est en rencontrant son travail lors d’une exposition, que Thierry Caillat a voulu en faire une héroïne de roman. Avec sa personnalité, son amour-détestation pour Rodin, ses problèmes financiers, sa famille castratrice et sa folie incomprise, elle continuera de sculpter tout en tentant de survivre dans un monde où les femmes artistes n’étaient pas reconnues. Et enfin, la reconnaissance est venue avec l’ouverture en 2017 d’un musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine qui abrite une collection de ses œuvres rassemblées par la petite-fille de Paul Claudel.

« Ils m’ont prise pour une folle, mais ils avaient raison : folle que j’étais, de m’imaginer que l’on puisse accepter que je sois une artiste à part entière et pas seulement une femme artiste. »

La mer à l’envers de Marie Darrieussecq (éditions P.O.L., août 2019, 256 pages, €18,50)
pour Michèle Robach
Bobo parisienne, victime d’une douce crise existentielle, Rose part en croisière avec ses deux enfants laissant son mari dont elle se demande si son alcoolisme rampant ne serait pas une raison suffisante de le quitter. Le jour de Noël, le paquebot croise une embarcation de naufragés en détresse ramenés discrètement à bord. Rose rencontre un jeune nigérian Younès. Elle lui donne le portable de son fils, ce qui va tisser entre ces deux êtres un relais qui se superpose à  l’attachement affectif qu’ils ressentent immédiatement. La vie de Rose bascule et tout est à l’envers. « Tu dois changer ta vie », ces mots de Rilke sont l’épitaphe du chapitre IV  et peut être la clé du roman. Rose va s’engager pour sauver Younès, grandir et échapper à la fatalité. Marie Darrieussecq nous livre une histoire sincère, riche en émotions et bien ancrée dans l’actualité.

©Livres Mid

♦Nous étions nés pour être heureux de Lionel Duroy (Julliard, juillet 2019, 222 pages, €20)
pour Marie-Hélène Cossé
Cette famille, toujours, qui hante depuis trente ans Lionel Duroy, pour mon plus grand bonheur. Son héros, Paul, décide cette fois de réunir le temps d’un déjeuner de réconciliation ses neuf frères et soeurs, leurs enfants, les siens et ses deux ex-femmes. C’est autour de leurs parents, Toto et la baronne, et de leurs souvenirs que se déroule le repas. Chacun revisite à tour de rôle le désastre que fût leur enfance, certains avec une vision dramatique, d’autres idyllique. Personne ne semble en être vraiment guéri, mais l’heure des pardons a sonné. Les échanges entre eux sont vifs, tourmentés, poignants… magnifiques !

« Il avait pensé que s’il parvenait un jour à écrire, il les sauverait, et lui avec. Il n’avait sauvé personne, sauf lui, miraculeusement allégé de la peine des neuf autres par son exclusion. »

♦Les Victorieuses de Laetitia Colombani (Grasset, juin 2019, €22,30)
pour Anne-Marie Chust
Après « La Tresse », Laetitia Colombani nous raconte de nouveau une histoire de femmes et, ici, de destins croisés entre aujourd’hui et hier : Solène qui se reconstruit après un burn-out professionnel en répondant à une annonce « association cherche volontaire pour mission d’écrivain public » au Palais de la Femme dont elle n’avait jamais entendu parler et Blanche Peyron, une femme exceptionnelle, ayant œuvré toute sa vie à l’Armée du Salut et qui, à force de sacrifices, de courage et d’opiniâtreté, finira par créer ce « Palais de la Femme » en 1926. Un foyer pour femmes en difficulté, d’ici ou d’ailleurs, dédié à leur protection (et celle d’enfants). Un roman pénétrant, des histoires d’une société toujours et encore cruelle et malgré tout de l’espoir. Il faut continuer le combat de Blanche !

♦Le Chardonneret de Donna Tartt (Feux croisés/Plon, 2015)
pour Agnès Brunel
Théo perd sa mère à treize ans dans une explosion au MET. Il se construit, se détruit, se reconstruit entre New York, Las Vegas, Amsterdam au gré des aléas de sa jeune vie. Donna Tartt n’écrit que tous les dix ans. Son cultissime Maître des illusions, paru en 1993, m’étant tombé des mains, j’ai longtemps hésité à attaquer les quelques 787 pages de son Chardonneret qui me narguaient sur ma table de nuit. Les vacances aidant, j’ai fini par entamer, sans conviction, le pavé et … je ne l’ai plus lâché. Envoûtant, haletant, surprenant, il mérite amplement le temps que vous lui consacrerez.

À noter que le film vient de sortir, réalisé par John Crowley avec Nicole Kidman. Toujours difficile de traduire des pages en images, mais à voir.

« Les événements auraient mieux tournés si elle était restée en vie. En fait, elle est morte quand j’étais enfant ; et bien que tout ce qui m’est arrivé depuis lors soit de ma faute, à moi seul, toujours est-il que, lorsque je l’ai perdue, j’ai perdu un repère qui aurait pu me conduire vers un endroit plus heureux, vers une vie moins solitaire ou plus agréable. »

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