Un peu de poésie !

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La poésie s’est rappelée récemment à nos esprits, bien dépoussiérée, sous la silhouette lumineuse de la jeune américaine Amanda Gorman lors de l’investiture de Joe Biden et sous le beau visage de la discrète Louise Glück, prix Nobel de littérature 2020, publiée confidentiellement en France. Entre message politique engagé et texte lyrique, la poésie d’aujourd’hui prend ses sources dans un périmètre plus libre et s’exprime à travers de nouveaux canaux (Internet) et expressions (slam, rap…). Notre rédaction a plongé dans sa mémoire pour livrer ses souvenirs et goûts poétiques.

EMILY DICKINSON♦ Emily Dickinson (1830- 1886) : « Poème N°1540 »
par Christine Fleurot
Parmi les mille huit cents poèmes, sans titres, découverts à la mort de la poétesse américaine, le N°1540 est un moment suspendu, juste reflet d’un état d’esprit nostalgique de fin d’été. La ponctuation, le rythme font montre d’une grande modernité d’écriture, de hardiesse et d’agilité de pensée très en décalage au regard de la vie puritaine et de recluse de l’auteure. La chute est lumineuse.
« Courtoise, pourtant déchirante grâce,
Comme invitée, mais qui s’en serait allée—
Et ainsi, sans une aile,
Ni l’aide d’une quille
Notre été, léger, a pris la fuite
Vers la beauté. »

♦ Jacques Prévert (1900-1977) : « Maintenant j’ai grandi… »
par Anne-Marie Chust
Jacques Prévert, ce sont des mots de tous les jours, une langue qui nous est familière, pas vraiment de règles de versification, des sortes d’inventaires et des paroles bien choisies avec lesquelles il nous parle de tout et de rien, de la vie ! Il a aussi épousé le XXème siècle, surréaliste, libertaire, auteur, scénariste/dialoguiste et est finalement entré à La Pléiade, car notre poète, en fait, est « du parti de cette chose désuète, démodée qu’on nommait autrefois la bonté » (Philippe Forest).
« Et quand j’avais besoin d’idées
pour me tenir compagnie
je les appelais
Et elles venaient
et je disais oui à celles qui me plaisaient
les autres je les jetais » lire la suite

©Wikipedia - Andrée Chédid♦ Andrée Chédid (1920-2011) : « Poèmes pour un texte »
par Vicky Sommet
Écrivaine et poète, Andrée Chédid s’est essayée à toute forme d’écriture mais c’est la poésie qui est son medium de prédilection. Ses vers nous incitent à poursuivre un dessein, à initier une démarche, or le propos n’est jamais d’arriver ou de conclure mais de rester immobile en les lisant, tout en poursuivant sans relâche son cheminement pour la rencontrer.

« Loin des berges stridentes
  Égarer l’ancre
  Rompre les amarres
  Suivre l’appel
  De l’intime horizon »

♦ Kenneth White : « Terre de diamant – Poèmes » (Grasset, Les Cahiers rouges, 2003)
par Marie-Blanche Camps
Kenneth White, dont j’ai eu la chance de suivre les cours de littérature anglaise à l’université, est le fondateur de l’Institut de la géopoétique. L’univers de son œuvre repose sur la contemplation de la nature et sur le rapport de l’Homme avec la Terre. Telle une litanie de haïkus, le poète écossais qui a choisi de vivre en France il y a près de 50 ans, nous emmène à travers les saisons et l’espace dans un voyage de Glasgow au Jura, en passant par le Japon ou Paris.
« Tant de choses s’en sont allées

il ne reste plus que le soleil
le soleil là-haut

blanc-or et nu
peut-être pas libre

mais plein de sa propre nécessité
c’est un matin du monde

et je suis là comme un roc à respirer
à respirer vers le soleil » (Yoga du soleil)

©Wikipedia - Paul Verlaine♦ Paul Verlaine (1844-1896) : « Mon rêve familier »
par Marie-Hélène Cossé
LE poème absolu restera pour moi cette femme de Verlaine que j’ai rêvée d’être en la découvrant jeune fille en classe de littérature. Femme aimée, rêvée, mystérieuse, femme qui permet d’échapper à la réalité et au chagrin. Existe-t-elle ? Est-elle une chimère ? Le poète n’a que 22 ans lorsqu’il publie ce sonnet mélancolique issu de son premier recueil, « Poèmes saturniens » publié en 1866. Ces vers mélodieux m’enchantent comme au premier jour. Cette femme idéale n’est-elle pas après tout celle vers laquelle nous tendons en vieillissant :
« Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, qui m’aime et me comprend… » ?
« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. »

Amanda Gorman (née en 1998) : « The Hill We Climb »
par Michèle Robach
La jeune poétesse choisie par Jill Biden a fait sensation lors de l’Inauguration Day de Joe Biden du 20 janvier 2021 avec son poème, «The Hill We Climb ». Son poème fait référence au Capitol Hill, siège du parlement américain envahi par les suprématistes blancs, partisans déchainés de Donald Trump. Un rappel que la démocratie reste fragile et n’est jamais définitivement acquise. Il faut rester vigilant pour la préserver.
« But while democracy can be periodically delayed,
it can never be permanently defeated » (Vidéo)

Vous avez envie de vous lancer ? La RATP ouvre un concours ouvert à tous. Jusqu’au 2 mai.

Femmes Aimées ©HazanFemmes aimées entre peinture et poésie (Hazan – Beaux Arts – novembre 2020 – 192 p. – €29,95)
Véritable promenade littéraire et visuelle, à travers l’image de la femme aimée, cette anthologie est « conçue comme une carte du tendre ». Les poèmes de Marceline Desbordes-Valmore, de Louise Colet, de Sappho, d’Anna de Noailles, de Marie Nizet mais aussi de Baudelaire, Ronsard et Rimbaud dialoguent avec des chefs-d’œuvre de Renoir, Cranach, Van Gogh ou de Berthe Morisot. Les rapprochements sont parfois inattendus. Lorsque poésie rime avec peinture.

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