Paris en vitrines

0

Paris en vitrines : c’est le thème de cette balade, classique en décembre. Et pourtant… C’est toute l’année qu’à chaque coin de rue, de petites échoppes en belles enseignes, les vitrines parisiennes, véritable forme d’expression artistique, élans créateurs exubérants ou modestes, font battre le cœur des flâneurs. Elles incarnent le symbole d’une créativité française indomptable et incessante que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde. Rencontre au Bon Marché – Rive Gauche avec son directeur artistique : Frédéric Bodenes.

Pas plus chic que le Bon Marché. Pas plus incarné comme ambiance pour parler de Paris en long, en large, en matières, en émotions, en sensations… Les bureaux du Bon Marché et leur entrée, rue de Babylone : les portes Art Déco, des œuvres à chaque étage, un calme étrange, au-dessus de ce temple du shopping parisien. Frédéric Bodenes est le directeur artistique du Bon Marché depuis pas mal d’années. Un luxe incroyable, rendez-vous compte…

Le « magasin parisien des Parisiens ». Un lieu unique au monde et cela se vérifie  tous les jours lorsque l’enseigne signe par exemple un partenariat avec Ai Weiwei tandis que l’artiste refuse à peu près au même moment d’exposer dans des institutions artistiques parisiennes. Pourquoi ? « Le Bon Marché incarne l’esprit parisien, un esprit Rive Gauche unique, à la fois intellectuel et raffiné, une grande simplicité, la liberté. Weiwei a envie d’exposer dans ce lieu de vie. Le Bon Marché vit au cœur de Paris, développe sa propre écriture, et emmène derrière lui une véritable tribu. C’est à cette tribu que Weiwei souhaite s’adresser. » Les vitrines du Bon Marché sont uniques à Paris et ne ressemblent en rien à celles d’autres Grands Magasins. Moins orientées « produit », plus « conceptuelles », plus artistiques, elles s’adressent à Noël aux enfants et à ceux que nous sommes tous restés. « Au début des vitrines parisiennes, il y avait des fenêtres. On y a ajouté des fonds. Elles sont devenues des boîtes ; ces boîtes sont devenues des vitrines. On y délivre un message. C’est un formidable territoire d’expression de nos rêves, dont la conception nécessite une bonne appréhension des volumes, des matériaux, des matières, des couleurs, mais aussi du son. Le Bon Marché développe sa propre bande-son pour les vitrines de Noël. »

« La reine mage ». Cette bande-son est évidemment coordonnée aux mouvements des sujets, en l’occurrence les lutins, pour ces vitrines 2015. Des lutins dans une forêt noire et or. Des lutins qui dansent, une source d’inspiration majeure pour Frédéric Bodenes qui aime par-dessus tout ce langage où le « corps devient structure ». « Au Bon Marché, tout part de ce que nous aimons ; cela inonde les thèmes que nous choisissons, cela dirige véritablement nos humeurs. Nous ne sommes pas des opportunistes, notre démarche part toujours de la marque. » Et la marque emmène derrière elle, une certaine idée du luxe et beaucoup de rêve. Pas plus exemplaire à ce titre que la grande papesse de la vitrine, « la reine mage » comme la surnommait, son ami, Michel Tournier: Leïla Menchari, directrice artistique de la maison Hermès pendant des années. Les vitrines du Faubourg…

Dans les reflets des vitrines, le souffle de Paris. Peut-on faire plus fou, peut-on faire plus techniquement ambitieux que ces décors, inspirés par les « Fantaisies indiennes » en 2008, la Danse (encore) en 2007 ou « l’Air de Paris » en 2006 ? Alors, voilà oui, on le sait, on le voit, dans les yeux qui se collent aux vitrines, dans le souffle givré des enfants, dans les smartphones qui se tordent pour prendre en photo ces décors aux reflets haussmanniens indélébiles, vit véritablement l’esprit de Paris. Et c’est toutes ces petites et grandes « boutiques » que l’on veut remercier aujourd’hui : les parfumeurs, les couturiers, les libraires, les pâtissiers, qui au quotidien, nous rendent la vie plus jolie. Merci !

Astrid Renoult

 

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.