Andrée Chedid, un regard humaniste sur le monde moderne

0

Andrée Chedid est une femme de lettres dans tous les sens du mot. Romancière, poétesse, auteure de littérature jeunesse, de nouvelles, de pièces de théâtre et parolière, avec un imaginaire bercé à la fois par le monde arabe qui l’a vue naître et la France qui l’a adoptée.

« Revenir sur ma petite personne ne m’intéresse pas »

Andrée Chedid est née au Caire en mars 1920 et je suis retournée avec elle sur les traces de sa jeunesse à l‘occasion d’un reportage pour « Un siècle d’écrivains » (1998), d’abord à l’université américaine de la ville où elle s’est formée en arabe, anglais et français. Nous avons fait un arrêt dans la maison où elle a vécu enfant, au bord du Nil, aujourd’hui résidence de l’Ambassadeur de France. Une émotion palpable en parcourant cette demeure comme dans une felouque pour longer les rives du fleuve en retrouvant cette atmosphère de lenteur, la chaleur des Égyptiens et la vie sur les berges où les villages et les haies de palmiers nous font sentir cet ailleurs. Nous avons marché autour des Pyramides au lendemain d’un attentat, seules sur des lieux chargés de l’histoire de son pays.

Une ouverture au monde

Andrée était tolérante, nourrie des coutumes et traditions léguées par le Liban et l’Égypte, auxquelles elle a ajouté sa personnalité ouverte à « L’Autre », titre d’un roman devenu un film avec Bernard Giraudeau, où elle raconte le geste d’un homme qui en sauve un autre après un tremblement de terre, sans le connaître, et partant avant ses remerciements. Elle s’est consacrée aussi à l’écriture pour les jeunes, elle-même maman de deux enfants dont Louis Chédid qui deviendra chanteur. Elle a toujours manifesté un humanisme actif, dénonçant la violence et la guerre en créant des personnages souvent féminins face au monde comme dans « Le Message » où une femme dans un pays en guerre veut faire passer un message à son aimé de l’autre côté du pont … mais le sang coulera !

©Andrée Chedid - Mid&Plus

L’homme et la nature

Andrée écrivait souvent assise sur son lit, vivait intensément les aventures de ses héros, vues de sa chambre. La poésie était chère à son cœur, elle exprimait sa douceur et sa force, sa mélancolie qu’elle disait très présente et les idées noires qui l’obsédaient comme dans « L’heure dernière ». La question de l’individu, sa place sur terre, ses racines et son lien à la nature, avec l’arbre en particulier, sont ses sujets de prédilection « Destination : arbre… ». En 2002, elle obtient le prix Goncourt de la poésie pour l’ensemble de son œuvre. Son mari, directeur de recherche au CNRS, professeur honoraire de l’Institut Pasteur, écrira plusieurs livres dont deux avec Andrée, sans oublier la chanson « Je dis aime » écrite pour son petit-fils Matthieu, dit M.

Je suis allée avec elle l’écouter au Trianon, assises en haut, seules au-dessus du public debout à l’orchestre. À la fin, M. entame cette chanson, son succès du moment, et s’arrête pour dire que c’est sa grand-mère qui a écrit les paroles, en montrant du doigt le haut. Les projecteurs se tournent vers nous, il lui dit merci et la foule applaudit à tout rompre. Un grand moment d’émotion que j’ai partagé avec elle !

La tombe d’Andrée Chedid, morte en février 2011, au cimetière du Montparnasse porte une citation de Chrétien de Troyes : « Le corps s’en va, le cœur séjourne ». Pour moi, Andrée est toujours là.

Vicky Sommet

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.