Ariane Lacquement, se remettre dans la danse

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Professeur de danse diplômée, Ariane est arrivée sur scène par Chantal Mélior et le Théâtre du Voyageur¹. Elle raconte comment, de la danse au théâtre en passant par les claquettes, elle a vécu le confinement. Par les temps qui courent, pour être artiste, il faut vraiment vouloir se remettre dans la danse !

On ne s’embrassait plus

« En décembre, différents spectacles avaient été annulés à cause de la grève des transports et des manifestations des gilets jaunes. La troupe venait de répéter ‘ Bartleby ‘ d’Herman Melleville, mis en scène par François Louis pour laquelle je m’occupais de la régie » explique Ariane. « On avait distribué les tracts, envoyé des milliers de mails. On l’a joué quatre fois. Quant aux lectures de Proust qui étaient au programme on en a fait une sur sept. Et puis on a anticipé la décision. Le public était inhabituellement silencieux. Début mars, on ne s’embrassait plus, le treize au matin on a décidé de tout arrêter. »

Trois phases différentes

« Ensuite pour moi et pour la plupart des comédiens, il y a eu trois phases » se souvient Ariane. « Pendant la première, j’étais épuisée par l’accumulation des activités que je devais mener de front : les cours de claquettes que je donne au Conservatoire de Levallois, les ateliers théâtre que j’anime parallèlement pour les enfants au Théâtre du Voyageur et les spectacles de Bartleby et de ‘ Coax coax coax ‘ d’après Les Grenouilles d’Aristophane, mis en scène par Chantal Mélior, qui étaient au programme et dont j’assure la régie quand je ne joue pas. Pendant la deuxième phase j’ai lu Melville en entier, des livres de philo, … J’ai repris le violoncelle et j’ai fait une heure de claquettes par jour au-dessus du hall d’entrée de l’immeuble. Heureusement les voisins ne se sont pas plaints. Cette phase de bien-être m’a permis de me régénérer. J’ai pris mon mal en patience. Enfin pendant la dernière phase j’étais plus angoissée par rapport à la reprise : Quand ? Comment ? Avec qui ? »

La morale de l’histoire

« Pour les claquettes j’ai fait des vidéos pour que les élèves puissent s’entraîner. Puis on a décidé que le spectacle de fin d’année n’aurait pas lieu et que les cours recommenceraient en septembre. J’ai pu continuer à m’acquitter des tâches administratives. Nous n’avons pas fait de « télé-répétitions ». On ne fabrique pas des images au théâtre. En réfléchissant, cet arrêt m’a permis de me demander comment je me débrouillais avant pour faire tout ce que je faisais. Comment j’allais évoluer, pouvoir à nouveau tenir ce rythme ? J’ai eu le temps de la contemplation et du rêve, c’était un peu comme une retraite bénéfique. »

Le plan financier

« L’État fait beaucoup pour le chômage, même si ça ne résout pas tous nos problèmes. Notre situation financière est catastrophique. Au théâtre, quand on ne travaille pas on n’est pas payé². Le statut d’intermittent du spectacle est un peu compliqué. Nous touchons une petite indemnité, mais le temps nous est limité pour restituer le travail perdu. Et pendant ce temps-là nous devons payer les frais fixes incompressibles. »

Quand Ariane est revenue avec le reste de la troupe au théâtre après deux mois d’absence, ils ont trouvé la scène telle qu’ils l’avaient laissée. « Nous avons failli en pleurer. Deux mois figés dans le silence c’est terrible. Et il va falloir attendre les mois de vacances maintenant. Une sacrée coupure. »

Isabelle Brisson
Photo ©Alejandro Guerrero – Comme il vous plaira de Shakespeare avec Mathieu Mottet (Orlando) et Ariane Lacquement (Rosalinde).

¹Voir notre article du 16 mars 2016.
²Possibilité d’envoyer des dons au Théâtre du Voyageur à Asnières. Adresse de correspondance : 72, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.

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