Jeanine Warnod, seule témoin d’une époque

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Née avec les années folles, Jeanine sera bientôt âgée de 99 ans. Elle est le dernier témoin de l’art de cette époque. En bonne journaliste et critique d’art qu’elle fut au Figaro pendant trente-cinq ans, elle reste, malgré son âge, disponible pour tout ce qui l’intéresse.

Une hérédité notoire

André Warnod, son peintre de père, appartient à « la bande à Picasso » à Montmartre. Il est habillé en Rapin (peintre bohême des années 1900), fait l’École des Beaux-Arts qu’il trouve trop académique : « On y travaille sur la tête du modèle le lundi et sur ses pieds le samedi », disait-il… Il fréquente le « Bateau Lavoir », le « Lapin agile » entre autres cabarets à la mode. Dans ce dernier, il y avait autant d’artistes que de truands. Et puis, André est engagé au journal Comoedia fondé par Gaston Pawlowski. Il abandonne la peinture et illustre ses livres et ses articles. Il tiendra plus tard la rubrique Spectacles et Arts au Figaro.

Un point de départ intéressant

L’ambiance de la maison est le point de départ de Jeanine, fille unique de peintre. Chez eux, ils sont entourés des amis de son père qui débarquent à l’improviste rue Caulaincourt à Montmartre. « Les amis de mon père n’avaient pas la même tête que celles des pères de mes copines de classe » se souvient Jeanine avec un sourire. « L’après-guerre donne envie aux artistes de s’éclater et de créer. »  Plus tard, Jeanine passe son bac sous les bombes en plein exode de la deuxième guerre. Ne désirant pas faire d’études, elle se présente au Figaro où travaille son père. À la libération, elle devient secrétaire du chef du service Politique. Puis elle intègre les Spectacles et les Arts, dernier service où elle restera à la mort de son père en 1960.

Transmettre son savoir

Au service des Arts elle retrouve les artistes de son enfance. Elle a toujours écrit du vécu. Aujourd’hui elle doit se séparer de ses documents. Sa fille et ses petites filles se sont engagées dans des voies différentes. C’est un véritable crève-cœur pour elle, mais elle se fait un devoir de transmettre son savoir, notamment à propos de l’École de Paris dont le terme a été défendu par son père en 1925. Actuellement elle a terminé un ouvrage :  «  Fille de pères », ses pères étant tous les artistes qu’elle a côtoyés dans son enfance. Elle y raconte ses difficultés, ses réussites et ses prises de risques.

En définitive, le « donner/recevoir » est tout ce qui motive encore Jeanine aujourd’hui et c’est aussi ce qui lui permet de travailler dans l’enthousiasme avec sa mémoire d’éléphant. Un exemple exceptionnel de longévité en possession de tous ses moyens !

Isabelle Brisson

À voir ou à lire

– Le 28 avril exposition et trois jours de colloques au Musée d’Art juif, Hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple,  75003 Paris.
– « La Bohême de Montmartre à Montparnasse », film de Michel Patient chez Amélia Films (2019).
– « Conférences filmées » chez Amélia Films.
– « André Warnod, Dessins de guerre » de Jeanine Warnod chez Lienart éditeurs (2014).
– « L’École de Paris » de Jeanine Warnod aux éditions du Musée du Montparnasse (2012).
– « Les berceaux de la jeune peinture » d’André Warnod chez Albin-Michel (1925). À consulter à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
– « Petites Images du temps de guerre » d’André Warnod, chez Berger Levrault éditeurs Paris (1917).

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