La chasse « à cor et à cri »

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La vénerie est en pleine expansion en France, berceau de cette chasse avec chiens, accommodée ensuite par les Anglais, adaptée aux particularités de leur île, puis exportée dans les pays anglophones avant de l’interdire en 2005, comme en Belgique et en Allemagne. Découverte de la chasse à courre en compagnie d’une passionnée : Claude Dumon.

Imaginez, nous sommes au 18e siècle, les femmes montent leurs chevaux en amazone, les hommes sont vêtus de leurs redingotes, cravate, gilet, toque et bottes et les chevaux sont harnachés aux couleurs de l’équipage. Cette image qui pourrait faire partie du patrimoine est encore bien réelle et vivante aujourd’hui quand des centaines de badauds, cyclistes ou automobilistes, assistent curieux et émerveillés au défilé de ces cavaliers si élégants :  le départ d’une chasse à courre !

Les lois de la nature. Cette chasse à cheval en équipages (environ 480 en France) a pour but de poursuivre et attraper la grande vénerie (cerf, chevreuil, sanglier) et la petite vénerie (lapin, loutre, lièvre). Claude Dumon, qui pratique l’équitation depuis l’âge de 11 ans, a intégré un équipage. « La période de la chasse qui vient de s’ouvrir nous a permis de réaliser, dans la forêt de Rambouillet, une belle prise avec un grand cerf, souvent un peu fatigué après le brame. Autrefois, on chassait pour manger, aujourd’hui on chasse pour éliminer les animaux blessés ou malades et conserver ainsi un certain équilibre entre les espèces. Rappelez-vous dans le Mercantour, on a interdit la chasse aux chamois et aux bouquetins. Ils sont tous tombés malades, trop nombreux pour trouver de quoi s’alimenter et ont attrapé la kératite qui les a fait chuter des rochers et se tuer ! ».

Le chien est le fusil. Ce sont les chiens qui chassent l’animal couru jusqu’à sa prise. Le veneur, lui, sert ses chiens pour leur permettre d’exprimer leurs capacités naturelles. Poitevin, français blanc et noir ou tricolore, Billy ou fox-hound, ils font partie d’une meute qu’on a commencé par entrainer en août à pied, puis à vélo et à cheval ensuite pour les mettre à niveau. « Pour être efficaces », ajoute Claude Dumon, « Ils doivent être capables de trier les animaux dans la harde ; ils agissent avec l’instinct grégaire qui est le leur, ce ne sont pas des chiens d’intérieur. Nous avons 113 chiens actuellement au chenil, à qui nous donnons une partie du gibier, le reste, cuisseaux ou filets, est distribué aux propriétaires des parcelles de terrain que nous traversons. On part avec une trentaine de chiens pour une sortie de 4 à 6 heures environ et on ne prend qu’un animal sur deux ou trois. Les proies savent se protéger et se cacher dans l’eau, les refuites et se forlongent ou se mélangent avec les hautes herbes ou les fougères, ce qui nous rend la tâche plus difficile ».

Le rituel de la vénerie. Le matin du jour dit, le maître d’équipage (souvent une femme) décide du rendez-vous, attend le rapport des valets de limiers (des chiens de change au nez fin mais trop vieux pour suivre la chasse) qui ont parcouru ensemble les bois au lever du jour, entouré les enceintes et repéré les empreintes des sabots qui leur permettent de juger de la taille de l’animal, de son âge et de son état de santé, et ont installé des brisées (branches cassées pour repérer les vasselets). « Ce sont des animaux nocturnes », précise Claude Dumon « les cerfs mangent la nuit et ruminent dans la journée. Il faut tenir compte des quotas et prendre seulement un certain nombre de grands cerfs pour respecter la pyramide des âges ».

Admirateurs et détracteurs. Chacun se fera son opinion sur ce mode de chasse très ancien. Pour Claude Dumon, c’est la passion des chevaux, des chiens et de l’amitié entre cavaliers qui l’emporte : « L’hiver, ce n’est pas toujours marrant de partir au lever du jour avec les pieds et les mains gelés, mais on y va tout de même ! J’ai 43 ans de vénerie derrière moi et je ne suis pas encore lassée. Chaque équipage a son appellation, sa tenue, ses couleurs (pour moi c’est le rouge) sa fanfare, ses membres appelés boutons, gilets ou épingles ». Lorsque le veneur sonne au départ la fanfare de circonstance, compagnie, beau-aller, défaut, change ou débuché … et au final, quand l’animal est pris, « l’hallali », la journée a été belle !

Vicky Sommet

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