Êtes-vous une slasheuse qui s’ignore ?

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Comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, peut-être êtes-vous une slasheuse qui s’ignore ? Nous ne parlons pas des amatrices de films d’horreur, selon la définition googleienne  (to slash = taillader), mais de l’anglais slash désignant la barre oblique de nos claviers d’ordinateur qui permet d’établir des listes. Les slasheurs/slasheuses, désignent des entrepreneurs aux multiples activités et métiers. Photographe/menuisier, graphiste/professeur de yoga…

Qui ?

Ne croyez pas que le public concerné est marginal : 16% des actifs jonglent aujourd’hui entre plusieurs métiers, soit plus de 4 millions de personnes. Excusez du peu ! Si cette tendance regroupait surtout la génération Y, aujourd’hui, toutes les tranches d’âge sont concernées. Regardez autour de vous, vous en connaissez forcément.

◊Isabelle, Mid,  travaille dans les fusions-acquisitions depuis toujours et se détend en pratiquant le yoga. Jusqu’au jour où elle décide de créer sa société de yoga pour entreprises. Elle prépare ainsi sa prochaine vie professionnelle.
◊Florence, autre Mid, directrice marketing dans une vie antérieure, devient formatrice et crée parallèlement son site Internet de vente spécialisé dans les paniers pique-nique et la vie en extérieur, Les Jardins de la Comtesse.

Pourquoi ? Subi ou choisi ?

Entendons-nous bien, les slasheurs n’empilent généralement pas plusieurs emplois par nécessité économique. Ce sont des militants du cumul. Pas question pour eux de choisir entre leurs différentes activités. Un seul métier ce serait s’enfermer, une seule activité, s’ennuyer. La richesse du  slashing est d’ouvrir de multiples possibilités et d’exploiter différents potentiels. « Aujourd’hui, réussir sa vie ne signifie plus une carrière accomplie, mais plutôt de multiplier les opportunités ». Sur le principe des vases communicants, les activités peuvent s’enrichir l’une l’autre. Le psychanalyste Samuel Lepastier confirme que « Lorsqu’on exerce plusieurs métiers, on est forcément moins prisonnier d’un schéma de pensée. Cela permet de nourrir un profil original. Et, bien souvent, les deux activités finissent par se rejoindre de façon imprévue ».

◊Nathalie C, a connu les CDI dans des structures établies. À l’occasion d’une rupture professionnelle, elle est devenue petit à petit slasheuse : conseil en RH et rédactrice et bloggeuse et organisatrice de voyages… sans compter d’autres éventualités qui se présenteront. « J’ai tant d’autres passions que je n’ose pas encore exercer en tant qu’activité professionnelle ! ». Gageons, que la liste s’allongera.

Comment ?

Les nouvelles technologies facilitent largement le slashing : création d’un ou plusieurs sites Internet pour faire connaître ses métiers, jonglage entre ses portables et ses activités, exploitation des réseaux sociaux… Le récent statut d’auto-entrepreneur propice au cumul est une aubaine.

Les bénéfices

Ils sont multiples. L’insatisfaction croissante du travail en entreprise pousse les salariés à développer ailleurs leurs compétences et à générer un revenu complémentaire. Ils gagnent leur indépendance et créent, petit à petit, leur zone d’intervention. C’est une façon de diluer la hiérarchie, voire de la contourner et de ne plus être dans un état de dépendance vis-à-vis d’un seul patron. « Dans le cumul d’emplois, il y a une forte dimension anti-autoritaire » remarque le sociologue François de Singly. L’idée que l’on ne devient soi-même que si l’on est auteur de sa propre vie. Financièrement, jouer sur plusieurs tableaux permet aussi de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

◊Sophie, ancienne technicienne dans l’audiovisuel, a pu cumuler ses passions grâce à Internet.  Chaque job correspond à un trait de ma personnalité et m’apporte ce dont j’ai besoin pour m’épanouir »

Les risques

Être slasheuse impose équilibre et organisation. Étant seule maîtresse de son emploi du temps, il est facile de se laisser déborder : travailler trop au détriment de sa vie privée, mal équilibrer son temps entre ses différents métiers. Les revenus ne sont ni fixes ni assurés. Cette précarité peut faire peur mais elle rend plus fort. On est beaucoup mieux armé pour gérer les changements de toute nature. « Slasher m’a notamment permis d’expérimenter que je pouvais toujours m’en sortir et trouver des solutions pour gagner ma vie; que ce soit avec des activités qui me correspondent à 100% ou, temporairement, avec des activités plus alimentaires mais dont je sais qu’elles ne dureront pas ». Attention aussi à ne pas se perdre : à force de jouer avec des identités multiples, on risque de se disperser ou de s’isoler.

Attention, les slasheuses ne sont pas instables, mais passionnées et curieuses !

« La diversité des activités construit des passerelles et des opportunités nouvelles tout le temps. Elle fait tomber les peurs et les barrières que la « religion du salariat temps plein » a pu créer, celle qui fait qu’on se croit cantonné à un seul métier, plus ou moins le même tout au long de sa vie et qu’on cloisonne soigneusement vie professionnelle et vie extra-professionnelle ».

Mon conseil

Slasheuse moi-même depuis quelques années, sans le savoir, décoratrice, professeur d’art et rédactrice pour notre webzine préféré, après une vie professionnelle très traditionnelle : ne succombez pas aux sirènes de la mode et de la tendance, mais si c’est votre choix, votre envie, que vous êtes curieuse, que vous avez des passions, n’hésitez pas. La vie est trop courte, trop riche et… nos potentiels infinis.

Agnès Brunel-Averseng

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