Visiteur de prison

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Visiteur de prison à la Maison d’Arrêt d’Amiens pendant huit ans, c’est une vraie expérience de vie personnelle, un moyen de relativiser les jugements que l’on peut porter sur certaines personnes et sur la nature humaine en général et c’est apporter sa contribution à faire que des personnes condamnées pour des faits répressifs ne reviennent plus en prison et puissent retrouver leur place dans la société.

Des hommes et des femmes avant tout

Pendant ces huit années, j’ai pu mesurer combien, pour un grand nombre d’entre eux, les raisons de leur incarcération découlaient, la plupart du temps, d’un départ dans la vie qui ne leur a pas été très favorable : famille inexistante ou à problème, promiscuité, addiction progressive à l’alcool ou aux drogues, accidents de la vie, chômage, guerre ou misère dans leur pays d’origine… La raison peut aussi résulter de concours de circonstances. Privés de liberté, les détenus restent néanmoins des hommes et des femmes avant tout avec leurs regrets, leurs doutes, leurs peines, leur sensibilité, leurs espoirs.

Les détenus sont en Maison d’Arrêt le plus souvent deux, voir trois par cellule de 9 m². La vie est réglée par les ouvertures de portes, pour la distribution des repas, pour aller en promenade, à la douche, ou à des activités quand elles existent. La vie entre détenus a ses règles, au détriment souvent des plus faibles. Certains n’ont pas de famille qui vient les voir au parloir ou ne voient plus leurs enfants. D’autres sont des étrangers expatriés et totalement isolés, ne parlant pas toujours notre langue.

Visiteur de prison

Dans la plupart des établissements pénitentiaires, des hommes et des femmes s’efforcent de maintenir le lien social des détenus avec le monde extérieur en les rencontrant régulièrement, chaque semaine ou chaque quinzaine. Leur but n’est pas de leur faire la morale, mais de briser leur solitude, de laisser libre cours à la conversation, de les écouter, de les soutenir, de les aider dans leur réhabilitation pour leur donner la chance de ne pas retourner en prison. Quelle satisfaction pour le visiteur, ou quelle émotion, quand il entend son détenu lui dire : « Avec toi je peux dire des choses que je ne dirai pas à ma famille… » ou « Si tu n’avais pas été là à me visiter, il y a longtemps que je ne serai plus là… » ou encore « Je suis un ancien braqueur, j’ai fait onze ans de prison. Je travaille maintenant chez Bouygues. Et c’est grâce à des gens comme vous que j’ai pu m’en sortir… » (entendu sur le stand des visiteurs de prison lors d’un salon des associations).

J’ai visité Steve pendant toute sa détention, à sa demande d’avoir un visiteur. Nous sommes très facilement entrés en contact et, pour lui qui n’avait pas de visite au parloir, pouvoir parler avec quelqu’un de l’extérieur était un espace de liberté nécessaire pendant l’épreuve qu’il vivait.

Un récit réalisé au jour le jour

J’avais parfois suggéré à certains détenus que je visitais, et qui intellectuellement auraient pu l’assumer, d’écrire un livre sur leur histoire et leur expérience de la détention. Une manière aussi de passer le temps et de réfléchir à sa proche situation. Quand Steve m’a dit qu’il écrivait un livre et qu’il souhaitait en faire profiter les jeunes afin qu’ils ne tombent pas dans les mêmes travers que lui, j’en étais très heureux et je n’ai pu que l’encourager chaleureusement. Dans un récit réalisé au jour le jour, Steve décrit les règles qui régissent le monde carcéral, la violence qui peut régner parfois, mais aussi quelques rares joies. Pendant sa détention il s’est beaucoup remis en cause. Il a écrit ce livre pour servir de témoignage, notamment aux jeunes. Son projet est d’intervenir dans les écoles afin de leur parler de son parcours et de leur éviter de connaitre son expérience malheureuse.

Un difficile retour à la vie normale

Je souhaite que le livre de Steve, parfois très violent, soit diffusé le plus possible, qu’il soit la main d’un ami lointain qui évite à certains ne pas s’engager dans les sables mouvants de l’addiction. Je continue de voir parfois Steve quand il me sollicite. Le retour à la vie normale après un séjour en prison n’a rien d’évident, tant sur le plan matériel que sur le plan personnel. C’est une période importante où un ancien détenu doit retrouver confiance en lui et se réapproprier des conditions de vie. Il lui est difficile de le faire seul, surtout s’il n’a pas de famille dans laquelle il se réintègre et qui le soutienne. Lâchés seul dans la nature à leur sortie, certains d’entre eux retournent à la case prison, soit qu’ils retrouvent leur milieu de promiscuité initial, soit par désespérance, la prison étant finalement pour certains une solution de relatif confort…. L’aide d’une personne, en laquelle ils peuvent mettre leur confiance, est un atout indispensable pour leur retour à une vie normale, sans récidive.

 COUVERTURE Steve LECLABART + tranche 5mm - 20 Juillet 2021Jean-Claude Soudan
Extrait de la préface du livre de Steve Leclabart

« J’ai fait le con, je me suis retrouvé en prison » de Steve Leclabart (juillet 2021). Si vous souhaitez vous procurer un exemplaire, merci d’écrire à jcsoudan@free.fr – €15 frais de port inclus.

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