Peut-on faire bon ménage avec l’argent ?

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Propre à l’être humain, sujet épineux et tabou, l’argent aime à cultiver le paradoxe. Est-ce nous qui le possédons ou bien lui qui nous possède ? Peut-on faire bon ménage avec lui ? Quelle est sa place dans le couple et la famille ? Peut-on en parler, dire qu’on l’aime ? Comment s’en libérer ? 

L’argent paradoxe

 Il est tout et son contraire, totem et tabou. L’argent peut être souffrance (envie, frustration), mais aussi susciter des émotions puissantes (joie, plaisir). Liberté ou servitude ? Ne pas en avoir est frustrant, en posséder n’est pas si rassurant que cela. À la fois au service de l’avoir et de l’être, il véhicule des enjeux relationnels qui empêchent parfois d’objectiver les rapports jusqu’à introduire des ruptures (divorce, succession).

L’argent et le couple

Il a mauvaise presse, car il ramène à la notion de couple économique sur laquelle ont longtemps été fondés les mariages. On dit que « lorsqu’on aime on ne compte pas » et pourtant les questions d’argent sont présentes tout au long de la vie de couple et des étapes qu’il franchit : l’arrivée des enfants, leur adolescence, quand le nid se vide, que nos parents vieillissent et qu’il faut s’en occuper, le départ à la retraite, l’épineuse question des successions… L’argent peut générer des conflits latents et aboutir à des crises qui vont ralentir le couple, voire même en aggraver les dysfonctionnements.

L’argent et la famille

La représentation que chacun a de l’argent est souvent ancrée dans son histoire familiale : on choisit de continuer ce qu’on a vu ou bien justement d’en prendre le contre-pied. Si au sein de la famille l’argent est indispensable pour prendre son autonomie, il sert aussi à y asseoir emprise et pouvoir ou à gommer l’affectif… Il y souvent celui qui paye et celui qui demande. En famille, on compte plus souvent ce qu’on ne reçoit pas que le contraire et le manque pèse plus lourd que ce qu’on reçoit. La moitié des brouilles familiales et des discordes vient de problèmes d’argent !

« L‘argent incarne un résumé saisissant du roman de l’humanité… Il est une narration que nous récitons au présent mais qui prend sa source dans le passé. La signification qu’il revêt à nos yeux, la place qu’on lui concède, les ombres qui le suivent et l’utilisation que l’on en fait s’inscrivent dans le sens donné à sa vie, dans l’essentiel que l’on souhaite ou non pour soi. Il y a une dimension transgénérationnelle : l’argent n’est pas seulement le patrimoine auquel on pense mais une philosophie qui se transmet. » Hélène de Montaigu¹

Parler d’argent

L’argent complexifie les relations avec les autres ou cristallise les difficultés relationnelles lorsqu’il n’a pas la même valeur pour tous. Il est illusoire de penser qu’on ne doit parler d’argent qu’avec son notaire, son avocat ou son banquier (et pas avec son psy² quand il y aurait pourtant souvent matière à le faire ). Tout est intriqué, plus on clarifie ses positions vis-à-vis de l’argent, plus on aide nos proches. À bas le fameux « chez nous pas de problème avec l’argent ».  Parler d’argent libère et rend plus juste, alors cessons de penser que c’est un sujet tabou qu’il ne faut pas aborder.

Si l’argent nous permet d’occuper notre place et contribue à forger notre identité, il devient un danger lorsqu’il devient une fin en soi, supprime les différences, annihile les valeurs humaines et devient un instrument de mesure qui introduit alors… de la démesure ! Et pourtant il existe des moyens de faire bon ménage avec l’argent. Si l’équilibre est respecté entre le désir d’avoir de l’argent et celui de garder son éthique, si le désir ne supplante pas l’éthique, alors oui argent et moralité (le couple impossible…) peuvent coexister et demeurer indissociables.

Marie-Hélène Cossé

COUV 16.09-2¹Créatrice du blog, Ne soyez pas le second rôle de votre vie, Hélène de Montaigu, dans un livre, aussi drôle que vrai, passe en revue toutes les questions que l’on n’ose jamais se poser sur sa relation à l’argent qui influence toute notre vie pour le meilleur ou… pour le pire et nous propose de voyager au pays de nos contradictions et de nos croyances. À travers son expérience personnelle et une réflexion très libre sur les mécanismes de l’argent, l’auteure nous invite à nous libérer de tous les virus qui nous intoxiquent pour que l’argent soit liberté dans nos vies et que nous puissions répondre « oui, j’aime l’argent » sans qu’il soit besoin de nous tortiller, d’en rougir ou de trop s’en enorgueillir. Aimez-vous l’argent ? (à commander sur Librinova, avril 2015 ).

²Philosophie de l’argent, Georg Simmel, sociologue (1858-1918) – Coll. Quadrige, PUF, 1999, 672 pages, €18.

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