Anne-France Dautheville : un devoir de bonheur

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Anne-France préfère bourlingueuse à baroudeuse. Pour elle, ce premier terme évoque le fait qu’en suivant le vent son voyage se soit dessiné de lui-même. Ses principaux centres d’intérêts sont la moto, les plantes et la mythologie. Un mélange fort séduisant. Comme elle.

La moto pour ce qu’elle lui a appris

Première femme à avoir fait le tour du monde seule à moto, la jeune Anne-France se divertit : « J’ai du plaisir à penser, à apprendre, à écrire, à partager, à vivre. J’ai du plaisir à me promener sur ma moto et à vieillir », écrira-t-elle plus tard. Elle se passionne d’abord de moto pour ce que le deux-roues lui a permis d’apprendre. Tous les mouvements de la route sont traduits par le corps qui se mobilise tout entier, les bras sur le guidon, les fesses sur la selle. La nuit les oreilles prennent le relais, on entend tout sans percevoir les proportions. On a des sensations de fraîcheur sur les joues. Et on discerne des odeurs, chaque paysage a la sienne.

« C’est magique ce dialogue entre le corps et la nature que permet la moto. »

Les plantes pour « ranger le monde »

Puis Anne-France écrit des romans qui lui permettent de faire une psychanalyse, mais le milieu littéraire lui fait perdre la foi. Sans argent pour voyager, les plantes entrent dans sa vie. Elle fait son petit jardin. « Le pays briard » lui demande de collaborer. Plus on rentre dans le monde des plantes, plus elles vous racontent les humains. « Par leur déplacement on comprend l’histoire de la terre, l’apparition de la vie. Une cyanobactérie fut l’ancêtre de toutes les plantes, elle amène à s’intéresser à la formation de la terre, du système solaire, de la galaxie… » Anne-France voit cela sans passer par la science. « Je me fais mon dessin animé dans ma tête en cherchant l’information chez des gens sérieux. » Elle raconte les plantes à son niveau et se régale. Tous les pays qu’elle a vus et pas compris, elle les revisite par les plantes. C’est cela qu’elle appelle « ranger le monde ».

« Les plantes sont des petites personnes qui n’ont pas de cerveau et qui inventent des stratégies étonnantes. »

La mythologie pour créer une nation

À travers l’histoire d’Harmonie et de Cadmos, Anne-France raconte par la mythologie comment on peut créer une nation qui n’existe pas. Des pays comme l’Afghanistan ou la Béotie se sont structurés à partir de différentes tribus agrégées autour d’un roi. L’auteur explique comment avec ces identités différentes on va créer une nation, des routes, des rites, des fêtes, etc. Et à travers ce mythe, elle raconte le fondement d’une société occidentale. Nous voyons ainsi comment la beauté peut être mise au service de tous. L’histoire de l’humanité réinvente sans cesse la réalité. Quand on ouvre la porte de son cœur on peut construire le « ensemble » en conscience.

En travaillant dans tous les sens Anne-France a creusé son sillon. Ayant croisé des personnes vivant dans des urgences effroyables, elle se fait un devoir de bonheur. Voilà pourquoi, entre autres plaisirs amicaux elle aime fréquenter un restaurant convivial, La ville d’Épinal, 5, rue d’Alsace dans le 10ème, qui reçoit souvent des musiciens le vendredi soir.

Isabelle Brisson

©La-vieille-qui-conduisait-des-motos - PayotLIRE « La vieille qui conduisait des motos », Payot voyageurs (2018) et notre article du 24 novembre 2016.

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