Chaque roman de Michel Houellebecq ouvre un monde différent autant qu’il met en lumière son admiration pour le principe féminin, les femmes étant toujours la force tranquille sur laquelle s’appuient ses personnages principaux. Depuis la lumineuse Annabelle dans Particules élémentaires jusqu’aux femmes de l’ombre, éditrices, attachées de presse, coaches politiques dans Anéantir, qui font la carrière de ses héros, éternels masculins. La petite musique attachante que distille ici Houellebecq est souvent d’une douceur inattendue au milieu du néant, le poète qu’il est souriant souvent entre les lignes, lorsqu’il s’émeut du vent dans les feuillages des arbres entre Villié-Morgon et Beaujeu, plus tendre que le va-et-vient des vagues sur la plage de Larmor-Baden. Assemblant fiction et réalité, vie politique et quête personnelle, le roman est une mélopée désabusée qui s’étonne que l’amour soit toujours le rempart ultime contre la mort. D’une lucidité glaçante sur certains EHPAD, viscéralement opposé à l’euthanasie, Michel Houellebecq décrit avec douceur et humanité les fins de vie à la maison (la Providence a le visage de la magnifique et si discrète Madeleine), évoque avec sérieux et tendresse la décorporation, les Near Death Experience (EMI) et tout l’intérêt d’entendre les témoignages de celles et ceux qui en sont revenus.
Est-ce à dire que Houellebecq n’a plus une dent contre la vie ? Il est toujours acide, drôle, imprévisible et terriblement Vieille France, laissant les larmes couler sur les joues de Paul, son héros, et le volant de sa voiture à la bien-nommée Prudence. Succomberez-vous aussi ?
Anne-Claire Gagnon
« Anéantir » de Michel Houellebecq (Flammarion, janvier 2022)