Qui d’entre nous n’a jamais consulté de cartomancienne ou rêvé se faire tirer les cartes ? L’homme en mal de son destin a toujours souhaité le connaître ou l’anticiper… Interview d’une professeur de lettres, tireuse de cartes à ses heures, qui nous parle de cet art divinatoire.
Depuis quand tirez-vous les cartes ?
Par hasard en Italie, il y a plus de 25 ans, on m’a donné dans un hôtel un jeu de 32 cartes. C’est celui que j’utilise encore aujourd’hui. J’ai essayé pour moi-même, me suis prise au jeu et très vite je l’ai fait pour les autres en dilettante. Il n’y a pas de notion d’argent qui rentre en ligne de compte quand je tire les cartes.
Pourquoi tirer les cartes ?
C’est une pratique divinatoire¹ à la fois mystérieuse, éclairante et ludique. J’ai toujours été passionnée par l’astrologie et la lecture allégorique du réel. Selon Shakespeare, la vie est une une comédie pour ceux qui pensent, une tragédie pour ceux qui sentent. Il faut donc trouver des astuces. Tirer les cartes, c’est faire venir la lumière, savoir quand arrive la fin du tunnel, comment vaincre l’obstacle. Fondamentalement, j’aime aider, faire du bien, soutenir. J’aspire à être altruiste, optimiste et bienveillante.
Comment tirer les cartes ?
On est tous medium sans le savoir, reliés par une chaîne. Il s’agit d’une mise en contact de plusieurs énergies. On peut même tirer les cartes par téléphone, car il existe des vibrations très fortes ! Il faut tricoter, décrypter, avoir des idées, mais surtout faire confiance… Au début on est maladroit, puis on prend de l’assurance. Il faut de l’entraînement, car la carte peut par pudeur se taire. Chacun a sa propre grille de signification. S’il y a trop de noir dans un tirage, je fais tirer à nouveau jusqu’à l’émergence du rouge.
Que cherchent ceux qui consultent ?
Bien souvent ils viennent poser une question précise d’ordre surtout affectif ou financier, parfois ils viennent aussi se faire tirer Le Grand Jeu. Le tirage se fait en fleur, chaque carte en colorant une autre.
Peut-on se tirer les cartes à soi-même ?
On ne peut pas lire pour soi-même, on est trop myope. J’ai beaucoup consulté de voyants…
Attention aux charlatans !
Il ne faut surtout pas aller consulter alors qu’on se trouve dans un état d’angoisse ou en pensant que cela va tout résoudre. Nous sommes dans une époque de grande détresse avivée par l’actualité où règne le concret. Les gens vivent dans l’inquiétude et se posent beaucoup de questions. Or toute vérité n’est pas bonne à dire et doit être habillée. Attention de ne pas tomber sous la coupe de bonimenteurs qui profitent de la crédulité et se rémunèrent sur le désespoir ! Attention aussi à ne pas sécréter des automatismes de confort en allant consulter à chaque grande décision de sa vie ou dès qu’on entre dans une zone de turbulences !
Pouvoir et limite
Le destin de l’homme est un mystère. On ne voit pas le tableau final. Chaque jour est un point de tapisserie dont nous ne percevrons le dessin d’ensemble que le jour du grand départ. Les cartes donnent une indication précieuse dans ce grand infini. En dernier lieu c’est toujours au consultant d’arbitrer.
Alors, se faire tirer les cartes ? Oui, mais uniquement si cela reste un clin d’œil de l’espoir, un sourire de l’ange, une approche virtuelle du réel, une virgule qui permet de s’accrocher à la lumière et de penser que tout peut s’arranger. La cartomancie, comme l’astrologie, est une météo : elle peut aider à prévoir grains et tempêtes.
Marie-Hélène Cossé
¹On parle de cartomancie en Espagne au XVe siècle et plus tard en Italie (Pic de la Mirandole, Francesco Marcolini). En France, elle atteint sont apogée au siècle des Lumières (Etteilla, Marie-Anne Lenormand).