Trouver sa place dans le monde, dans sa famille, une question qui nous taraude quand nous nous sentons gênés en société. Suis-je bien à ma place ? Mais qui peut répondre à cette question si ce n’est nous-mêmes ?! La philosophe Claire Marin nous aide à avancer dans cette quête personnelle.
Besoin de place
Mais une place où ? Dans la sphère professionnelle, familiale, voire sentimentale, on nous assène sans arrêt des injonctions pour nous sentir en accord avec nous-mêmes. Et cette question est sous-jacente dans tous les mouvements de revendication, d’affirmation ou d’appartenance. Témoins le féminisme, le racisme, les migrations, les identifications sexuelles, chaque engagement renvoie à une place qu’on choisit pour s’exprimer ou à une place qu’on vous attribue car vous faites partie d’un tout, un clan, une société, une association et vous avez besoin de savoir où vous situer. Je suis avec les autres, mais où est ma place ?
Une place à soi
Saurons-nous reconnaître la bonne place ? Celle que nous convoitons est-elle la meilleure pour nous ? Chacun aujourd’hui est plus exigeant qu’hier. On le voit avec les nouvelles générations, la place dans la hiérarchie est scrutée à la loupe, le sens de l’action prime sur la rentabilité, l’engagement écologique de l’entreprise ou le bien-être au travail sont au cœur de leurs préoccupations. Cela pourrait se traduire par un regard positif comme, par exemple, dans la vie familiale définie par la société, une femme est mariée, le regard porté sur le célibat sera donc négatif. À chaque célibataire de le considérer comme un gain de liberté, une autonomie nouvellement acquise.
Femme, reste à ta place !
L’éphémère a investi notre quotidien : les saisons nous forcent à changer notre rythme, les liens du couple se défont facilement, le travail encourage la mobilité, nomadisme et flexibilité sont les maîtres-mots de la génération actuelle. Les femmes, très sollicitées à la maison comme au travail, ont du mal à trouver leur place et sont souvent sommées de rester à leur place et de ne pas prendre trop de place. D’un côté, les migrants ont perdu leur place dans leur communauté d’origine, de l’autre, les étrangers arrivés sur un sol inconnu ne savent pas comment trouver leur place. Le corps des femmes réclame aussi sa place et les confronte à leur désir mais, dans la relation amoureuse, il a sa place réservée.
Y aurait-il alors pour chacun d’entre nous une place idéale ? Déjà en société, la lutte des classes s’apparenterait à une lutte des places selon le géographe Michel Lussault. Heureusement, le tracé de notre vie n’est pas écrit d’avance et le hasard fait bien les choses. On sait aussi que des événements comme la maladie, un accident, un deuil ou une rupture amènent une remise en question qui rebat les cartes. Mais quand on est à la bonne place, le corps le sait, on se sent bien et on respire. Ouf ! je suis enfin à ma place !
Vicky Sommet
« Être à sa place – Habiter sa vie, habiter son corps » de Claire Marin aux éditions de l’Observatoire (février 2022).
