En amitié, en amour, les conflits sont légion. On peut pardonner sans même l’avoir décidé. Mais si c’est un choix délibéré, la relation retrouvera de la force et de l’authenticité. Petit traité du pardon pour mieux vivre.
Reprendre le chemin ensemble, c’est possible
Rares sont les longues relations qui n’ont jamais vécu de désaccords, disputes, voire trahisons. Parfois on peut les surmonter avec un peu de bienveillance et la relation se poursuit. Comme le dit Kundera, « rien ne sera pardonné mais tout sera oublié »… Mais, dans d’autres cas, les désaccords peuvent en signer ou en menacer la fin. Dans ce cas, une remise en question est nécessaire pour rétablir le dialogue. Ces remises en question peuvent s’avérer difficiles, douloureuses. Mais, si elles permettent d’y voir plus clair, de surmonter grâce à un travail sur soi la blessure narcissique causée par la perte ou l’éloignement de l’autre, alors, le pardon peut exercer un véritable pouvoir au sein de la relation. Il ne changera pas le passé mais il va ouvrir de nouveaux horizons. C’est une manière de se libérer du ressentiment et de la colère.
Le pardon est libérateur, qu’il soit reçu ou accordé
Selon la psychanalyste Nicole Fabre¹, « il est important dans un premier temps, sans minorer les dissensions, que chacun reconnaisse ses propres failles et demande à l’autre de les respecter. » Le deuxième mouvement du pardon demande davantage de courage. Il faut verbaliser, nommer la faute, mettre des mots sur sa douleur, aller jusqu’à faire des reproches afin d’initier un véritable dialogue. Il s’agit de revisiter le passé, le réécrire ensemble. On réinterprète le passé contre l’oubli. Le philosophe Olivier Abel² parle d’une « hospitalité à la mémoire de l’autre ». On ne peut pardonner qu’à celui qui reconnaît son tort et il faut faire ressortir cette mémoire refoulée. Cela peut alors engendrer un troisième mouvement : le dépassement. Mais le franchissement de cette étape, la plus décisive, n’est pas systématique.
Pardon ne signifie pas oubli
Au cours de l’échange, on peut en effet réaliser s’être trompé sur l’autre ou n’être plus en phase. Dans ce cas, la relation est brisée. À l’inverse, si chacun se sent écouté, entendu, il sera possible de rétablir le lien. Dans ce cas, la parole partagée remet du mouvement vers l’avenir. Demeurer figé dans le passé paralyse notre capacité à agir et nous maintient enchainé à des affects douloureux. Mais le pardon doit nous permettre et d’oublier et de nous souvenir en même temps. On se réapproprie son passé et du même coup, on s’en détache. « Pour pouvoir se lier à nouveau, il faut pouvoir se délier par le pardon » nous dit Olivier Abel. En ce sens, le pardon lève l’incapacité existentielle à l’action et nous tourne vers l’avenir et ses promesses.
Ne pas garder de ressentiment, ouvrir un avenir commun, c’est le pouvoir du pardon qui libère des poids du passé en offrant une nouvelle chance.
Michèle Robach
¹Née en 1925. Philosophe, Psychanalyste et essayiste.
²Professeur de philosophie et d’éthique à la faculté de Théologie protestante de Montpellier.