Lady sapiens est une ancêtre bien vivante dans notre ADN, mais qui a été la grande absente de l’histoire, trop souvent écrite avec un grand H comme homme, alors que Lady sapiens manipulait aussi le silex, l’aiguille et surtout l’arc !
Revenir aux seins de l’histoire
Le livre, comme le film, retrace la reconstruction tant attendue du rôle des femmes dans l’ère paléolithique. « La domination masculine a été construite, elle n’est pas intrinsèque à l’humanité » écrit Marylène Patou-Mathis. La bipédie a été la modification majeure pour l’humanité, offrant à Lady sapiens de faire de la particularité anatomique de ses seins (nous sommes la seule espèce qui les garde gonflés hors allaitement) un atout et un élément esthétique, dont la beauté a inspiré tant d’artistes. Autre particularité physiologique de notre espèce, la ménopause qui a permis l’accroissement de notre longévité et la révolution des grands-mères, bien avant l’ère des sapiens ! Les grands-mères, en aidant leurs filles, prennent soin de leurs gènes, transmis à leur descendance, CQFD.
Des working girl paléolithiques de talent
Au fil du récit mené comme une enquête, scientifiques et archéologues présentent les grandes découvertes qui ont permis à la préhistoire de se libérer des clichés, en redonnant aux femmes leur place. Et quelle place ! Car au temps des chasseurs-cueilleurs, Lady sapiens, une athlète black aux yeux bleus, vit sur un pied d’égalité avec les hommes. Vade retro la dichotomie caricaturale des années 1970 de l’homme chasseur, la femme cueilleuse ! Certes, Lady sapiens a le privilège d’enfanter et d’allaiter, mais elle participe aux chasses, tire à l’arc, rapporte du petit gibier, des graines, des végétaux. Les archéologues estiment que ce sont les femmes qui ont domestiqué les végétaux, en jardinant, mais pas que. Elles ont également tanné et cousu les peaux (avec des aiguilles en os), lissé des fibres végétales avec leurs dents (qui en ont gardé la trace ADN), les tissant ou crochetant avec leurs doigts pour en faire des tissus et des paniers, des outils au moins aussi importants que le silex.
« Les femmes, en tant que gardiennes du monde végétal, ont potentiellement été les premiers médecins du monde. »
Une reconnaissance tardive
Avec les méthodes modernes, les archéologues peuvent rendre aux femmes leur identité qui, en 1868, aurait changé la face du monde, puisqu’un des 3 squelettes d’Homme de Cro Magnon était une femme, ensevelie avec ses silex et ses proies animales et dont la présence fut passée sous silence. Désormais on regarde le bassin qui permet de déterminer le sexe d’un squelette, permettant au supposé Homme de Menton d’être la Dame de Cavillon, coiffée d’un sublime entrelacs de coquillages. Et l’empreinte que la cochlée a laissé dans les boites crâniennes, à l’intérieur de notre oreille, signe avec sa spirale unique à chacun.e d’entre nous, le sexe du squelette. Certaines fresques murales sont sans ambiguïté, révélant ainsi, en forêt de Fontainebleau, une version paléolithique de L’origine du monde. Les artistes qui soufflaient à l’époque la poudre d’ocre autour de leurs mains étaient aussi des femmes et sculptaient un peu partout en Europe des Vénus, archétypes métonymiques de Lady sapiens, avec deux seins prolifiques sur de larges hanches dessinant une vulve d’une simplicité biblique.
Ces petites statuettes soulignent la force de l’éternel féminin et le sens artistique des humains sapiens.
Lisez Lady sapiens pour mieux comprendre et rendre ses lettres de noblesse à cette femme racine qui vibre en chacune de nous !
Anne-Claire Gagnon
Lady sapiens deThomas Cirotteau, Jennifer Kerner, Éric Pincas (Editions Les Arènes, septembre 2021).