Nous sommes passés d’un monde fou à un monde en arrêt maladie ! Fini les « Je suis débordé » ou « Les journées n’ont pas assez d’heures », nous venons d’expérimenter le « J’arrête tout » pour réapprendre le « J’apprends à apprécier chaque instant ».
L’urgence de ralentir
Travailler trop, enfanter poussé par l’horloge biologique, divorcer à peine marié, courir chaque matin avant de courir au bureau, manger à toute allure parce que les 30mn de la pause déjeuner n’en comptent pas une de plus, telles sont les contraintes de la vie. Les hôpitaux construits en deux semaines en Chine ou à New-York pour parer à l’épidémie ou la nouvelle proposition de Netflix pour regarder des séries en accéléré, tout nous pousse si nous n’y prenons pas garde. Déjà évoqué dans Mid le slow sex, ou comment faire l’amour sans performances, la slow fashion, la slow food pour utiliser ce que la nature nous offre ou la slow life, une vie au ralenti qui vient de nous être imposée, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle nous a pris par surprise !
Vite mais pas trop
On peut aller vite en besogne, comme disait Charles Perrault dans le Petit Poucet « Le bûcheron avait beaucoup d’enfants car sa femme allait vite en besogne, elle n’en faisait pas moins de deux à la fois » et rester insatisfait. Appauvrissement des idées, faiblesse de la création, manque de projets, la raison invoquée, le manque de temps. Une idée survient et hop ! elle est développée immédiatement pour ne pas laisser la concurrence s’en emparer. Alors que travailler son sujet, polir ses arguments, préparer ses réponses face aux attaques, donne tellement plus de plaisir pour construire, organiser ou animer la vie familiale. Festina lente diront les érudits, « Je me hâte lentement » est ma réponse quand on me presse, à l’image de l’Empereur Auguste.
Les éloges vont bon train
« L’éloge de la lenteur¹ » ou « L’éloge du retard² » mettent à mal l’idée de vitesse et prônent la décélération. Est-ce la peur de l’ennui qui nous fait courir après le temps, sans voir qu’elle nous empêche de réfléchir en profondeur. D’où un regard peu amène sur les personnes lentes. N’avez-vous jamais tempêté sur la voiture qui n’avance pas et dont « le conducteur aurait gagné son permis dans une pochette-surprise » ou râler après celui qui marche lentement du fait de son âge alors que vous fendez la foule ? La lenteur privilégiée en Afrique dans toute transaction ou celle accompagnée d’un calme olympien en Asie, à chacun de privilégier ce qui lui convient et de peser sur la société, une société qui n’est que le reflet de nos comportements d’humains … pressés par le temps !
Le confinement nous a donné à penser et à ressentir, sentiments que nous avions perdus de vue depuis longtemps. Sommes-nous les mêmes au sortir de cette vie au ralenti, c’est l’avenir qui nous le dira, rapidité, célérité ou patience, nous avons tout en main pour revoir notre copie… de la vie !
Vicky Sommet
EN SAVOIR PLUS
« Prendre le temps » Azzedine Alaïa et Donatien Grau, éd. Actes Sud (mars 2020)
« Les hommes lents ? Résister à la modernité » Laurent Vidal, éd. Flammarion (janvier 2020)
« Rendre le monde indisponible » Hartmut Rosa, éd. La Découverte (janvier 2020)
¹« Éloge du retard » Hélène Feuillet, éd. Albin Michel (janvier 2020)
²« Éloge de la lenteur » Carl Honoré, éd. Marabout (2004)