Rivaliser avec le monde occidental, moderniser le pays tels étaient les objectifs du Japon au début de l’ère Showa (1926-1989). La construction de ce sublime palais, initialement propriété d’un couple de la famille impériale avant d’être successivement transformé après la deuxième guerre mondiale en résidence d’État aux premiers ministres, aux hôtes officiels, puis en musée, est une illustration brillante de l’enthousiasme que provoqua l’art déco sur les élites japonaises de la première moitié du 20ème siècle.
L’Art Déco à la conquête du Japon
C’est en visitant l’exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925 à Paris que Nobuko, Princesse Fumi, douzième enfant et huitième fille de l’empereur Meiji du Japon et son époux le Prince Yasuhito Asaka découvrent le mouvement Art Déco et ses grands maitres dont les dernières créations sont à leur apogée. Le couple est séduit ! C’est aussi l’époque au Japon de la recherche d’un nouvel art de vivre. Ils chargent l’architecte de la maison impériale et des artistes français de renom comme Henri Rapin, René Lalique de construire et décorer un élégant palais niché au cœur de Tokyo.
Un espace inondé de lumière
Vie mondaine oblige, la résidence est vaste, baignée de lumière, élégante et raffinée. L’accès vers la salle de réception se fait par une magnifique entrée dans le pur style art déco pavée au sol de mosaïque en pierre naturelle, où s’ouvraient de larges portes en verre réalisées par René Lalique. Quatre déesses ailées gravées sur les panneaux guidaient les invités du couple impérial vers un vaste salon d’apparat décoré par Henri Rapin, illuminé par un plafonnier de quarante lampes arrondies fixées dans un treillis en bois de noyer.
Insolite, dans un salon attenant, une « Tour du parfum » diffusait lors des réceptions des fragrances délicates. Elle s’érige sur un sol en mosaïque multicolore, entourée de murs vermillon alors que l’on aperçoit le vert des jardins qui entourent la résidence. Dans chaque pièce, la lumière jaillit de véritables sculptures, objets magiques, pièces d’exception.
Teien signifie jardin en japonais
Le musée est ainsi nommé, car il est entouré de jardins et de sculptures. La partie occidentale permet de s’allonger et de profiter du soleil, alors que le jardin japonais et sa maison de thé offrent tout le raffinement aux hôtes du couple, y compris aux visiteurs étrangers qui, chose inhabituelle pour l’époque, peuvent éviter l’inconfort des tatamis et profiter de chaises mise à disposition par le Prince. À l’automne, les érables virent au rouge et c’est toute la nature qui se transforme.
Fruit d’une histoire d’amour et d’un engagement commun entre artistes français et japonais, le Musée Teien fait partie de ces trésors cachés au Japon. Épargné par la foule des touristes, c’est un bijou précieux préservé dans son écrin de verdure.
Michèle Robach
Mid&Japon
Musée d’Art Métropolitain Teien, 5-21-9, Shirokanedai, Minato-ku Tokyo, 10h00/18h00