Trois bibliothécaires de l’association Culture et Bibliothèque Pour Tous nous font partager cette semaine les romans qu’elles ont aimés depuis le début de l’année.
♦J’ai un tel désir de Françoise Cloarec
(éditions Stock, 300 p., 29 août 2018)
Ainsi commence une lettre de Marie Laurencin à Nicole Groult. Nous suivons le destin de deux femmes exceptionnellement libres (maîtresses-femmes) dans le Paris de la Belle Époque. Il y a alors un foisonnement d’artistes se rencontrant au Bateau-Lavoir à Montmartre (Picasso, Derain, Rousseau et aussi des collectionneurs-mécènes). C’est le carrefour d’une vie intellectuelle intense. Marie Laurencin, introduite par Guillaume Apollinaire chez les Montmartrois, va pouvoir s’affirmer en tant que peintre, ce sera son rempart contre la cruauté du monde. L’entente est immédiate avec Nicole Groult, sœur de Paul Poiret, elle aussi couturière, dont le talent et la bonne gestion lui valent un grand succès. L’amour de ces deux femmes durera tout au long de leur vie, même lors de l’exil de Marie en Espagne pendant la grande guerre (elle avait épousé un Allemand). Une longue correspondance entretient leur relation.
« Des lettres d’amour, j’en conserve de beaucoup plus belles que celles de Guillaume… Quand je mourrai, je veux qu’au cercueil ma tête repose sur un coussin bourré de mes lettres d’amour. » Marie Laurencin
Béatrice B. (CBPT Neuilly)
♦Toute la vérité de Karen Cleveland
(Ed. Robert Laffont, collection La bête noire, 364 p., janvier 2018)
Dans ce roman policier américain, Vivian Miller, agent de la CIA, découvre que son mari, Malt, est un agent russe infiltré. Son monde s’effondre. Doit-elle le dénoncer ou lui demander sa version des faits ? Il nie. Elle veut le croire : ils forment un couple heureux avec leurs quatre enfants. Où est la vérité ? Qui ment ? Une série de rebondissements fait une intrigue bien menée, un superbe moment de lecture. À la fois roman d’espionnage et thriller psychologique, on ne le quitte plus !
« Un sourire se dessine sur ses lèvres, non pas le sourire désarmant, limpide, que sa famille a toujours connu, non, un tout autre sourire. Une expression qui le ferait paraître étranger à quiconque le verrait. »
Florence A. (CBPT Neuilly)
♦Eugenia de Lionel Duroy
(Éditions Julliard, 600 p., mars 2018)
En Roumanie, à la fin des années 30, une jeune journaliste, Eugenia, prend peu à peu conscience des forces occultes qui vont déchirer sa propre famille, à l’image de son pays. La haine va se cristalliser sur la communauté juive, accusée de jouer le jeu de la Russie ennemie. Étonnamment les atrocités commises à Jassy en 1941 furent méconnues. Comment survivre à la honte après cela ? Sinon mettre sa vie en danger et entrer dans la résistance, même si c’est contre les siens. Ainsi peut-elle, à sa façon, s’accorder à l’homme qu’elle aime, Mihail Sebastian, écrivain juif. D’autres préfèrent se taire puis oublier. Ils ne lui pardonneront pas de mener son enquête deux ans après les faits. Passionnant témoignage d’un passé douloureux explorant la complexité de l’âme humaine, les limites du journalisme et de l’amour humain, qui, si ardent soit-il, est dérisoire face au déchaînement des passions destructrices.
« J’étais dégoutée par une guerre que j’allais néanmoins couvrir parce que je ne voulais pas sacrifier… Sacrifier quoi au juste ? Un bonheur minuscule à l’échelle de l’embrasement qui se préparait. Mais non, on ne pouvait même pas parler de bonheur. Plutôt de solidarité avec un homme traqué que j’aimais. »
Béatrice B. (CBPT Neuilly)
♦La malédiction du Stradivarius de Philippe Morane
(Editions Librinova, juin 2018)
Nous assistons dès les premières pages à la vente aux enchères du Stradivarius le plus cher de l’histoire, Le Molitor ($2 600 000 !). Alicia Carter, l’héroïne, violoniste virtuose franco-américaine de 26 ans, sort première à 17 ans du réputé Royal College of Music. Un homme la contacte au nom de la Fondation pour la musique et la promotion des jeunes talents qui souhaite lui prêter le Stradivarius Dei Conti, un de ses plus beaux instruments. Les médias entourent largement l’évènement. De son côté, Tim Lewin dévore la presse, il voit et entend cet instrument dont son grand-père lui avait beaucoup parlé pour la première fois de sa vie à New York. L’auteur utilise les ficelles du thriller pour nous tenir en haleine dans ce roman où il nous fait découvrir le monde bien particulier de la musique classique, l’histoire des luthiers Guarnerius del Gesù, Vuillaume et des vols des Stradivarius.