La situation actuelle nous invite à réfléchir, méditer ou rêver, si tous les êtres en confinement à vos côtés vous en laissent le loisir. C’est ce que j’ai fait en sortant de ma mémoire toutes les belles images qui l’habitent dans mon passé de journaliste radio, que ce soit à France Inter, Radio Bleue ou Radio France Internationale.
Rétropédaler
Le silence, la concentration, l’introspection même, vous incitent à retrouver votre moi intime, celui de votre jeunesse, de votre passé professionnel ou des sentiments oubliés, pour dire comme Simone de Beauvoir « J’accepte la grande aventure d’être moi ». Et ça fait un bien fou ! J’ai swingué pour Serge Gainsbourg lors de l’enregistrement de sa chanson « New-York USA », juchée sur des échafaudages branlants pour la télévision, ce qui m’a permis pendant les pauses de parler littérature avec cet érudit, j’ai valsé avec Gérard Lenorman, sur « La petite valse », pour évoquer sa carrière, et j’ai dansé à Pnom-Penh sur « Capri, c’est fini » d’Hervé Vilard car les Khmers rouges avaient interdit aux Cambodgiens l’écoute de la musique des pays capitalistes, et c’est, seulement après 1999, que la population a pu à nouveau écouter ses disques d’avant-guerre. Ainsi, sous une chaleur de 40 degrés, j’ai dansé sur « Tombe la neige » d’Adamo ou « Aline » de Christophe, à qui je pense maintenant qu’il nous a quittés.
Les souvenirs vivants
J’ai été timide avec le grand Jacques Chirac en fixant son menton pendant qu’il me parlait, grand par la fonction mais aussi par la taille. J’ai devisé gaiement avec Edouard Baer à Nairobi, j’ai parlé amicalement avec la jeune chanteuse Céline Dion accompagnée de sa mère, j’ai ri avec Jean Rochefort sur son canapé et j’ai dû choquer le Général de Gaulle à Grenoble, lors des Jeux Olympiques, le photographe désespérant de faire sourire 350 hôtesses quand j’ai suggéré, de dire non pas « Cheese » mais « Sex ». Effet garanti, nous n’avons jamais su si le Général avait apprécié ! J’ai patienté des heures pour parler avec Ivan Lendl, à en avoir des cloques sous la lanière de mon magnétophone et j’ai fait le marché avec Paul Bocuse à 7h du matin à Lyon, avec un arrêt obligatoire pour le casse-croûte à 10h avec un gros sandwich jambon-beurre.
La réalité est plus belle que la fiction
Grande lectrice d’Émile Zola, j’ai rencontré son petit-fils qui sautait sur les genoux de son grand-père à Médan et je lui ai demandé de m’asseoir sur les siens, comme si le fluide du grand homme allait m’atteindre. J’ai souri avec Françoise Sagan, venue accompagnée de son chien, un terrier écossais noir portant une clochette sur son collier, qui tournait autour de la table et faisait tinter sa cloche à chaque pied de table… table octogonale et donc huit gling à chaque tour ! J’ai déjeuné avec Gérard Depardieu pour découvrir les amourettes, moi qui n’aime pas les abats, j’ai fait descendre de sa chambre Michel Polnareff, réfugié dans un hôtel parisien, rentré des States, cheveux longs et lunettes noires, pour s’épancher sur son avenir. J’ai consolé Daniel Balavoine déprimé un soir à Avoriaz et j’ai sauvé Marc Lavoine de l’admiration de ses fans en venant le chercher derrière la scène à Lyon où il a juste eu le temps de sauter dans ma petite Fiat, en s’engouffrant par la fenêtre ouverte.
C’est drôle la vie, riche de rencontres et de moments partagés, ce serait dommage d’oublier. À votre tour maintenant de vous livrer à cet exercice de mémoire et vous verrez, le monde parait plus beau !
Vicky Sommet
