Selon le « bon goût », les grandes œuvres de la sculpture sont d’un blanc immaculé. Le modèle, ce sont les marbres de la sculpture grecque et romaine. Colorer est vulgaire en sculpture. Certes, il existe des exceptions : les sculptures religieuses de nos églises, les sculptures en terre cuite ou en faïence (Perse, Bernard Palissy) les bronze. Mais l’idéal reste Phidias.
L’explosion de la couleur
Au 19e siècle, les inventions de la chimie et de l’industrie permettent de réaliser des pièces de plus en plus grandes et vivement colorées en perfectionnant production et cuisson. Notre temple de la sculpture, Le Musée d’Orsay, expose cet été ces sculptures colorées, soit une cinquantaine d’œuvres puisées pour une part dans ses réserves. Soit des marbres de différentes couleurs sont assemblés, soit les pièces sont peintes et parfois rehaussées de matières précieuses.. Les matériaux les plus divers sont employés : pâte de verre, grès émaillé, plâtre, bronzes.
Des résultats inégaux
Certains sont des échecs comme le coloriage de sculptures classiques. Certains seront jugés bizarres ou ridicules, comme ce dauphin renversé, sur le ventre duquel est assis un singe qui a introduit ses doigts dans la gueule du cétacé, lequel les mordille en souriant, une combinaison de jaune, de vert et de gris (Ringel d’Illzach). Notre Nouvelle Marianne, à la chevelure abondante, au regard dur et au visage ferme, est plus en accord avec notre sensibilité que la Marianne plantureuse et peinturlurée de nos ancêtres. D’autres, jugées de « mauvais goût » à l’époque, peuvent séduire, souvent des femmes plus ou moins rattachées à l’antiquité, de grand format, ou de superbes « nègres » exotiques.
Quelques exemples
Charles Cordier est un spécialiste de ces grandes statues orientalistes aux marbres fortement colorés, qui s’imposent au visiteur. Des sculptures comparables d’Henri Lombard (Hélène), Gérôme (Tanagra) Barrias (la Nature se dévoilant à la Science) sont également exposées. Quelques sculptures sont des caricatures (Yvette Guilbert) ou juste des éléments de décoration, parfois très réussis comme cette cheminée verte symbolisant les vagues. Les sculptures plus tardives nous sont familières : Renoir, Bourdelle, Camille Claudel. Certaines œuvres ne sont plus naturalistes : Degas (une danseuse) Gauguin (belles œuvres tahitiennes), Georges Lacombe (une émouvante Marie Madeleine en plâtre). La dernière œuvre exposée est présentée comme de la « subversion », La Poupée de Hans Bellmer.
Au fond, le musée d’Orsay est plutôt tendance. La sculpture colorée devrait être de plus en plus acceptée dans une époque aussi éclectique que la nôtre, où la couleur triomphe souvent.
Pierre-Yves Cossé
Un Breton à Paris
En couleurs, la sculpture polychrome en France 1850-1910, Musée d’Orsay, jusqu’au 9 septembre.