« Le théâtre n’est pas ceci OU cela mais ceci ET cela » disait Laurent Terzieff, ceci soit le théâtre public subventionné et cela, le théâtre privé. Le saviez vous ? Avec plus de cinquante salles aux programmations variées et audacieuses dans cette catégorie, Paris ne manque pas d’animation. Quelques pépites à découvrir avant Noël.
On peut revoir ses classiques
C’est ce que permet par exemple le Théâtre de Poche-Montparnasse¹. Dirigé par deux femmes, il propose plusieurs pièces par jour, généralement courtes. Jean Vilar y a signé sa première mise en scène avec Orage de Strinberg, c’est dire que Le Poche est un théâtre de qualité, riche d’illustres auteurs classiques. Créé en 1942, il est resté un lieu de création de découverte. On y remet au goût du jour une pensée, enfouie dans les bibliothèques, qui peut paraître obsolète, mais qui reprend tout son sens grâce à la pensée de ses auteurs, aux adaptations audacieuses et au jeu d’acteurs de talent.
C’est le cas de L’éducation sentimentale qui s’y donne en ce moment, où le texte de Flaubert raisonne avec l’actualité. Paul Edond qui l’a adapté réussit à montrer combien l’histoire du héros, mêlée aux soubresauts de la naissance de la Deuxième République, puis du coup d’état de Louis-Bonaparte, présente dans sa brutalité, des similitudes avec l’actualité. On découvre que L’éducation sentimentale est aussi un « roman politique » et l’on ressort après 1h et 20 minutes ébloui par le jeu de deux acteurs époustouflants et une furieuse envie de relire Flaubert qui s’est déjà fait entendre sur cette même scène en 2015, dans une interprétation remarquée de Madame Bovary par les mêmes interprètes.
On peut pleurer ou se divertir
Pour Certaines n’avaient jamais vu la mer au Théâtre de L’Essaion², adapté du roman de Julie Otsuka (PEN/Faulkner award), deux actrices dans un cadre minimaliste nous font entendre les voix de milliers de jeunes femmes japonaises exilées aux États-Unis entre les deux guerres mondiales, vierges pour la plupart. Avec souvent pour seul bagage la photo d’un mari « idéal » qu’on leur a promis et qui devait leur offrir une vie meilleure, elles racontent la traversée sans fin, leur nuit de noce sans tendresse, les logements de fortune, le dur labeur des champs, le harcèlement des patrons et l’enfantement dans la solitude et la douleur. Il y a beaucoup de délicatesse et de force dans cette très belle réalisation de Delphine Augereau.
Les amateurs de musique apprécieront Mozart, mon amour. Toujours, au Poche Montparnasse, deux virtuoses, la soprano Pauline Courtin et le pianiste Vadim Sher nous y font vivre 1h15 avec Mozart, ce génie à la précocité étonnante. On est immergé au cœur de sa vie de son œuvre. Une biographie du maitre, orchestrée par Von Nissen, son deuxième époux, interprété par Christophe Barbier, auteur et metteur en scène de la pièce, qui est chargé de restaurer auprès du Conseil Impérial d’Autriche, la gloire du compositeur après sa mort. Entre plaisanteries, extraits d’opéras et mots d’esprit dont la correspondance de Mozart abonde, on se distrait en se remémorant par la voix et le piano, ces oeuvres qui atteignent au sublime.
Se tordre de rire
Niché dans le Quartier Latin, le Théâtre de la Contrescarpe est aussi connu pour sa programmation variée qui va des adaptations d’œuvres littéraires (Proust, A la recherche du temps perdu, Camus La Chute) à des comédies plus burlesque. Dans Jacques et Chirac³, c’est l’audace et l’insolence qui rendent la salle absolument hilare. Trois acteurs à l’énergie communicative font littéralement exploser la scène. Ici, l’humour dévoile la face cachée des idées. Le théâtre est décidément conçu pour ménager des surprises : les accessoires sortent des boites, les vidéos nous rappellent l’actualité et réveillent les souvenirs d’une époque bien révolue. Tout est humour : décor, accessoires, costumes et bien sûr les trois acteurs désopilants. Et le rythme se transmet des acteurs au public qui va de la charge électrique au courant vital. On en ressort un peu étonné de s’être à ce point détendu. Jubilatoire !
Le théâtre est une expérience culturelle assez unique : la rencontre avec une œuvre, un contact particulier avec des comédiens. C’est ce que l’on ressent particulièrement dans ces trois théâtres à taille humaine offrant de multiples occasions de passer un très bon moment.
Michèle Robach
¹Théâtre de Poche Montparnasse. L’éducation sentimentale jusqu’au 19 novembre. Mozart, mon amour jusqu’au 13 novembre.
²Théâtre Essaion. Certaines n’avaient jamais vu la mer jusqu’au 15 novembre
³Théâtre de la Contrescarpe. Jacques et Chirac jusqu’au 5 novembre.
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