Livres : on aime, on aime moins

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En cette rentrée littéraire où vous aurez à choisir entre 560 romans, Mid&Plus a lu pour vous les ouvrages très attendus de deux auteures françaises, Catherine Cusset et Céline Minard.

L’autre qu’on adorait de Catherine Cusset

Magnifique portrait d’homme, brossé à la deuxième personne du singulier, singularité de style qui nous rend le héros tellement proche, Thomas, universitaire passionné de Proust pour qui la vie est toujours ailleurs et dont l’auteur et amie « revoit la courbe de la vie quand il part à 23 ans aux États-Unis et fonce telle une voiture de sport vers un mur contre lequel elle va se fracasser ». Loin des contraintes, il s’installera le moins possible.

« Tu aimes par-dessus tout la condition de touriste et d’ami. Tu seras le braconnier du temps, le voyageur de Baudelaire au cœur léger semblable à un ballon, celui dont le désir a la forme des nuées. Toi, ton vrai toi, ton être poétique, celui qui rit avec un ami, regarde une femme, un ciel ou un tableau. »

Quelle malédiction conduit ce brillant garçon qui pourrait être notre fils, notre frère, notre ami, à cet immobilisme, cette solitude, cette succession d’échecs sentimentaux et professionnels ? Une fois la dernière page refermée, on regrette déjà Thomas, son rire, sa fougue, sa joie. On regrette de ne pas lui avoir tendu la main avant qu’il ne soit trop tard. C’est fin, subtil, enlevé… bouleversant !

Marie-Hélène Cossé
Catherine Cusset a publié une quinzaine de livres récompensés par divers prix littéraires. Le problème avec Jane, La haine de la famille (2001), Un brillant avenir (2008), Indigo. Elle vit à New York. L’autre qu’on adorait, Éditions Gallimard, 293 pages, €20.

Le Grand Jeu de Céline Minard

Le lecteur avait laissé Céline Minard dans les grands espaces du Far-West avec son lot de personnages truculents (Faillir être flingué-2013), le voici aujourd’hui transporté en haute montagne où une femme s’isole volontairement dans un refuge high-tech pour y vivre en totale  autarcie. Celle-ci partage son temps entre potager, lecture, violoncelle, réflexions sur sa solitude choisie et surtout escalade, sport qu’elle maîtrise parfaitement. Un  jour, sa quiétude est perturbée par la présence d’« un paquet de laine ». L’identification, le contact se précisent peu à peu… et font vaciller les plans et les nombreux questionnements de celle qui aspire à « imaginer une relation humaine qui n’aurait aucun rapport avec la promesse ou la menace ».

Sensible au vertige s’abstenir : en effet,  la narratrice est férue d’ascension sportive. Les non-initiés à l’alpinisme renonceront à compulser le catalogue du Vieux Campeur pour identifier les termes techniques du matériel et se laisseront finalement emporter -ou pas-  sans Prussik ni Grigri par la langue singulière et le style très précis de Céline Minard. L’avalanche de questions métaphysiques -trop formulées- et de sensations physiques face à la nature hostile qui taraudent la jeune femme finit par lasser. Humour, envolées poétiques, touches de fantastique allègent heureusement la lecture de cette fable contemporaine. Céline Minard, qui comme son personnage aime à ouvrir des voies et dont on peut nier ni l’audace ni l’originalité, affirmait dans une récente interview sur France Inter « qu’un livre est une rencontre possible entre un texte et une personne ».  Le rendez-vous ici n’a pas eu lieu.

Christine Fleurot
Le Grand Jeu, Éditions Payot-Rivages, 190 pages, €18

 

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