La forme de l’eau
par Anne-Claire Gagnon
Lion d’or du meilleur film, Mostra de Venise, 2017
Guillermo Del Toro nous invite à une plongée dans une troisième dimension aux pouvoirs magiques, l’amour. Celui qui n’a pas besoin de mots pour se vivre et se partager, cet amour absolu dont chacune de nous rêve et qui peut se concrétiser avec un inconnu, même au physique improbable. Elisa est muette, et travaille comme femme de ménage dans une base secrète américaine où l’arrivée d’une créature amphibie, capturée en Amazonie où elle était vénérée, va transformer sa vie, lui donnant des ailes. Le regard que l’un pose sur l’autre s’abstrait des contingences matérielles pour ne voir que l’essentiel, la petite flamme qui brille. « Quand il me regarde, il ignore en quoi je suis incomplète. Il me voit telle que je suis. »
Certaines scènes sont d’une violence qu’aurait pu nous épargner le réalisateur, au profit de ce qu’il sait magnifiquement saisir, la vérité et les émotions de ses acteurs, tous remarquables, notamment Sally Hawkins, servis par des décors d’un esthétisme très travaillé. Vous sortirez de la Forme de l’Eau les pas et le cœur légers, glissant vers votre destin, prête à plonger dans l’océan de l’inconnu !
Three billboards
par Anne-Marie Chust
4 récompenses aux Golden Globes, 5 statuettes aux BAFTA
Ebbing (Missouri), une femme puissante et courageuse, mais également désespérée, décide de « louer » trois panneaux à l’entrée de la ville, entrée quasiment plus fréquentée par personne puisqu’Ebbing se meurt et que la route ne mène plus nulle part. Sa très jeune fille a été violée puis assassinée sept mois auparavant et l’enquête est au point mort… Mildred, jouée par une Frances McDormand époustouflante, décide alors qu’il est temps de confronter la police de la ville à sa négligence en affichant des panneaux vengeurs demandant justice. Les remous créés sont intenses et dans cette enquête tout autant sociale que policière évolue une galerie de personnages souvent à la limite de la psychose délirante (tous ne sont pas ce que l’on croit qu’ils sont…).
Cette fresque, où s’entremêlent mort, pardon et rédemption, est signée Martin McDonagh, réalisateur du magistral « Bons baisers de Bruges », film à la fois violent, poétique, tendre et drôlissime. Three Billboards sera sans doute un des chefs d’œuvre de 2018 et on souhaite une pluie d’Oscars le 4 mars (ce n’était déjà pas mal aux Golden Globes et aux BAFTA) à ce film qui sait conjuguer drame social et comédie absurde (ce n’est pas sans rappeler nos amis les frères Coen). Une peinture de l’Amérique profonde en phase de désintégration, une société où le rôle des femmes est déterminant pour sa reconstruction. À voir absolument ! Ebbing Missouri vaut le détour (même si peu de routes y mènent aujourd’hui)…
Jusqu’à la garde
par Anne-Claire Gagnon
Lion d’argent du meilleur réalisateur et Lion du futur décerné au meilleur premier film à la Mostra de Venise
Mieux qu’un film, c’est une immersion en pleine conscience, en pleine présence au cœur de la violence domestique, pendant 1H33. Impossible de rester indifférente, de dire je n’ai rien vu, car le choix de faire fi d’une musique donne au dépouillement de la bande-son une présence extraordinaire, du bruit des talons de l’assistante de la juge des divorces jusqu’à la ceinture de sécurité de Julien, le fils du couple qui divorce et vit dans l’insécurité totale et la terreur d’un passage à l’acte de son père. Tour à tour, le spectateur suit les angles du réalisateur, Xavier Legrand, servi par des interprètes tous parfaits, pour être la mère, le fils, puis le père et tenter de comprendre les racines de la violence.
Une violence qui prend sa source parfois dès l’enfance, avec la loi du plus fort et des maltraitances qui se reproduisent de génération en génération, faute d’avoir été analysées, enrayées ni même dénoncées par les victimes, qui se murent souvent dans la douleur et le silence. Un silence qui a le bruit assourdissant du quotidien, touchant 225 000 femmes par an. Allez voir Jusqu’à la garde !
Toutes les informations pour protéger les femmes des violences sur http://stop-violences-femmes.gouv.fr/
Sugardland
par Anne-Claire Gagnon
Le pari réussi et gonflé de Damon Gameau, acteur australien, c’est d’avoir accepté, par amour pour sa compagne, adepte du manger sain, de donner de sa personne pendant 60 jours pour vérifier les effets pervers et délétères des sucres cachés dans des aliments étiquetés « bons pour la santé, pauvres en graisses, etc. » En à peine 3 semaines d’un régime suivi par des professionnels de santé, Damon Gameau a vu son foie devenir gras et son tour de taille augmenter de 11 cm à la fin de son défi. Dont il a fait un remarquable et courageux documentaire, SugarLand, à aller voir en famille, pour retrouver le goût du vrai, du bon et de la vie, loin du bliss point des céréales, smoothies et autres perturbateurs endocriniens qui remplissent nos frigidaires et nous empoisonnent au quotidien.
Bonne toile !