Puisque nous sommes privés de sorties et afin d’occuper nos longues soirées d’hiver, plongeons-nous dans un célèbre ouvrage de photographies paru en 1933 nous dévoilant un Paris nocturne et mystérieux que nous ne pouvons plus arpenter, couvre-feu oblige…
Paris en noir et blanc
Avec Paris de nuit, les photographies de Brassaï offrent au regard le Paris des années 1930, un Paris réel et recomposé tout à la fois par la magie de la technique -longs temps de pose, tirage en héliogravure- et le talent du photographe. On y découvre la vie grouillante de la ville, du clochard à la danseuse de cabaret avec un détour par les soirées mondaines ou les couples amoureux. Les ruelles sombres et désertes, les escaliers sans fin, les lampadaires à la lumière incertaine, construisent une atmosphère particulière à cet ouvrage. On a parfois le sentiment étrange de ne pas reconnaître la ville familière car la nuit n’est pas le négatif du jour, le blanc des photographies diurnes ne se contente pas de noircir, ce ne sont simplement pas les mêmes images.
Brassaï et Paul Morand
Ce livre provoque la rencontre improbable de deux univers, celui du photographe Brassaï (1899-1984), proche un temps des surréalistes et surtout des artistes de Montparnasse et celui de Paul Morand (1888-1976), le diplomate, l’écrivain qui de sa plume élégante, capte les bruissements du monde. L’antagonisme était frappant au point que Brassaï désapprouvait le choix du préfacier pour lequel il n’avait pas été consulté ! Après la préface de Paul Morand, le lecteur est confronté à la seule présence des photographies noires qui se succèdent les unes aux autres en continu. Elles évoquent celle d’une marche qui conduit le lecteur à travers les rues de Paris, d’un bout à l’autre du livre. Ce parcours visuel dans le Paris nocturne, nous mène des monuments et places célèbres, aux salles de spectacles et lieux de divertissement, en passant par le Paris des travailleurs de nuit et de la prostitution.
Nous pouvons aussi redécouvrir l’œuvre de Paul Morand en lisant l’intéressante biographie que vient de lui consacrer Pauline Dreyfus.
Cet ouvrage est une manière de dévoiler des décors familiers sous un angle différent, un peu comme si le noir de notre temps de confinement avait besoin d’un éclairage particulier pour en dégager de nouvelles lumières. Dévoiler, c’est aussi le métier de la libraire en livres anciens qui raconte l’histoire de ce livre devenu rare, mais que les collectionneurs s’arrachent.
Véronique Delacroix
Paris Libris
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Paris de nuit Brassaï, texte Paul Morand (Arts et métiers graphiques,1933).
Paul Morand biographie de Pauline Dreyfus (Gallimard, 5 novembre 2020).
