Roux enflamme le Musée Henner

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Choisi ou subi, arme de séduction ou objet de répulsion, le roux incendie à tous les étages l’hôtel particulier de la Plaine Monceau, très IIIe République, dédié au peintre Jean-Jacques Henner (1829-1905) qui fit de cette couleur sa signature. Une visite à faire impérativement en compagnie d’une amie au blond vénitien totalement assumé !

Le péché incarné en une couleur 

« La chevelure rousse est toujours prise en mauvaise part » affirme Michel Pastoureau, spécialiste de la symbolique de la couleur. Depuis le Moyen-Âge, cette teinte capillaire est associée dans l’imaginaire collectif à la trahison, au mal ou à une sensualité exacerbée. Dès le XIIe, la barbe rousse de Judas est récurrente dans les représentations artistiques. L’histoire dit que Saint-Louis obligea les prostituées à se colorer les cheveux en roux pour se différencier des honnêtes femmes. De Nana de Zola à Poil de Carotte de Jules Renard, la rousseur sulfureuse est  facteur de diabolisation et d’ostracisation.

« Le roux, couleur qui se voit et qui fait écart avec les autres. » Michel Pastoureau

L’obsession de Jean-Jacques Henner

Est-ce la situation de l’atelier de Jean-Jacques Henner situé alors Place Pigalle qui influença son penchant pour la rousseur ? Pour certains de ses modèles, c’était leur couleur naturelle, pour d’autres l’artiste exigeait une teinture ou le port d’une perruque. Cette palette utilisée en camaïeu sur toute la toile ou uniquement pour la chevelure de ses personnages est comme un « point d’exclamation »  pour souligner la cruauté d’Hérodiade, l’érotisme de La Liseuse ou la fierté de la Comtesse Kessler. La sanguine fut à l’évidence pour cet artiste l’outil idéal et il y excelle. Son intrigant Christ roux clôture cette immersion.

La fierté des roux

C’est dans le domaine de la création artistique, là où anticonformisme et provocation s’expriment en toute liberté, que la couleur roux s’épanouit. Dans la BD… et pas seulement avec l’audace et la malice d’un Spirou et d’un Tintin ! Dans la publicité où déjà le papier Job (1896) et le cachou Lajaunie (1900) affichent une rousse aguichante, cigarette à la main. Dans la musique avec les tignasses carminées de David Bowie ou d’Axelle Red. Au cinéma, de Rita Hayworth (fausse rousse) à la piquante Audrey Fleurot ou bien dans la mode avec la crinière incendiaire et revendiquée de Sonia Rykiel.

« J’ai joué la différence, j’en ai fait un pôle plus, une évidence, un pouvoir. » Sonia  Rykiel

Cette thématique originale et flamboyante donne une ardente étincelle à ce joli lieu et efface -s’il fut encore utile- tout préjugé et fantasme sur les roux… 2% de la population mondiale !

Christine Fleurot

Roux ! De Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel, Musée Jean-Jacques Henner, 43, avenue de Villiers, 75017 Paris. Jusqu’au 20 mai.

LIRE
– Catalogue : coédition Le Seuil/ Musée national Jean-Jacques Henner – 190 pages – €24,90

– Rousses, les flamboyantes à travers les âges – Édith Pauly – Quai des Brunes – 128 p. – €21
VOIR (programmation sur site du musée)
– Tout en rousseur de Chloé Hunzinger et Geneviève  Boutry, 2018 (52 minutes) 
– Dans la peau d’une rousse de Géraldine Levasseur, 2012 (52 minutes)

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