Le parcours de Brigitte Revellin-Falcoz, une des toutes premières femmes pilote de ligne en France, n’a pas toujours été simple dans un métier où la route vers la parité dans les cockpits est encore longue (10% des femmes sont pilotes chez Air France aujourd’hui, parfois moins dans certaines compagnies). Passion, ténacité, force : un mélange explosif !
Piloter, un défi personnel
Afin de prouver à un oncle qui la défie que les femmes n’ont pas peur en avion, Brigitte décide d’apprendre à piloter. Elle y prend goût tout de suite ! Brevetée plus jeune pilote de France à 17 ans, elle écrit à Air France pour leur faire part de son souhait d’être pilote de ligne. Nous sommes en 1967, la réponse ne se fait pas attendre : « Vous n’y pensez pas ! La profession n’est pas ouverte aux femmes compte tenu de l’énorme responsabilité que représente confier un avion. » Mais Brigitte sait que c’est sa voie. Petit à petit, elle avance, passe ses qualifications et devient à 22 ans chef pilote-instructeur dans un aéroclub bordelais. Elle suit en parallèle la formation de l’ENAC-PPI-PL (École Nationale de l’Aviation Civile) dont elle obtient le diplôme pilote de ligne en 1974.
« Tout ce que je cherchais était là, dans cette troisième dimension : la vie de nomade, le goût de des responsabilités et l’immense confiance qu’on me faisait en me confiant un appareil et des vies. Ça sublime ! »
Les compagnies s’ouvrent progressivement aux femmes
Brigitte intègre une compagnie régionale à Rodez absorbée ensuite par TAT et devient commandant de bord à 28 ans. Elle rencontre son mari à un stage de formation. Ensemble ils ont deux enfants. « Le plus dur est de concilier ma vie de famille avec mon métier. » Son entourage la critique : qui va garder tes enfants !? « Je culpabilisais vis-à-vis de ma famille et de mes collègues, mais lorsque je me demandais que veux-tu, la réponse était claire : je veux les deux ! » Brigitte entre à Air Inter, plus tard absorbée par Air France, où elle devient à 37 ans une des premières femmes commandant de bord en compagnie Major, soit 20 ans après sa première lettre de candidature ! Ses recettes pour tenir le rythme ? Soigner son sommeil, sa nutrition, faire du sport pour maîtriser fatigue et stress…
« Le pilote est comme un chef d’orchestre. Tout repose sur vous. C’est le lien qu’on crée avec tout son équipage qui fait qu’une rotation est réussie. »
Quand ses deux enfants lui annoncent qu’ils veulent être pilotes à leur tour, Brigitte leur demande de passer leur bac d’abord ! Sésame en poche, ils maintiennent leur décision. Gwenaëlle est aujourd’hui pilote de ligne B777 à Air France et Cédric, après avoir été lui-même pilote de ligne, co-dirige la compagnie Jetfly qui opère une trentaine d’avions d’affaires en Europe .
« On m’a amputé de mes ailes »
Des ennuis de santé obligent hélas Brigitte programmée en stage commandant de bord sur B747 à ne plus voler et accepter un job au sol. Quand sa fille lui annonce qu’elle va rentrer chez Air France, Brigitte pense que c’est le bon moment pour elle de tirer sa révérence. Elle a 50 ans. « De fermer cette porte me permettra d’en ouvrir d’autres » pense-t-elle. Elle traverse pourtant une période difficile jusqu’à la rencontre avec Dorine Bourneton, paraplégique à la suite d’un accident d’avion à 16 ans, devenue plus tard pilote et championne de voltige.
« Et que ferait l’amour à présent ? » Neale Donald Walshe – Conversations avec Dieu
Brigitte se bat avec elle et d’autres pilotes pour obtenir que ceux atteints d’un handicap physique, « ces personnes tellement autrement capables », puissent avoir leur place dans l’aviation. Pari gagné, puisqu’en 2003 les pilotes handicapés des membres inférieurs peuvent, avec un poste de pilotage adapté, effectuer du travail aérien sans transport public de passagers.
Pour continuer d’exercer une passion nomade, Brigitte fait aujourd’hui des photos de par le monde notamment en Inde, sa terre d’expression. Demain ? Des tas de projets : un livre sur les femmes indiennes, une marche vers Compostelle… « Tout se met en place. Comme un puzzle. Il existe une logique. J’ai trouvé une harmonie que je n’ai jamais eue, une forme de grâce. » conclut Brigitte avec beaucoup de douceur.
Marie-Hélène Cossé
Questions à Gwenaëlle, fille de Brigitte, pilote B777 à Air France
Des souvenirs de votre enfance de fille de femme-pilote ? Si j’ai choisi de faire ce métier c’est que je l’ai bien vécu quand j’étais enfant. Maman m’emmenait de temps en temps dans sa sacoche de vol !
Pilote aujourd’hui, quelle différence avec votre mère ? J’arrive à une autre époque, rien à voir. J’ai moins de culpabilité qu’elle. Sa mère ne l’a pas aidée, ni son milieu. En revanche, elle m’a soutenue : « Fonce, c’est un métier merveilleux ! »
Comment concilier vie de famille et vie pro ? Si je pars longtemps, je reste aussi longtemps. Il faut trouver le conjoint qui approuve ce qu’on fait et vous soutient et avoir une nounou exceptionnelle. J’ai les deux !
La retraite ? Elle a été repoussée à 65 ans. Ce sera difficile de s’arrêter, car c’est tout un mode de vie.