Dans ma série sur les sœurs, que diriez-vous d’une histoire de sœurs que je connais vraiment, au parcours sinueux, un peu symboliques d’une génération, la mienne, nées avant 1960 ? Deux sœurs, Isabelle et Christine, avec une relation particulière, sensible, une amitié sans faille et unique.
Le classique d’une éducation bourgeoise normée
Par une mère issue d’un milieu très traditionnel avec qui elles ont eu des relations distantes qui leur faisait entrevoir un monde limité et plutôt étouffant, mais aussi un père différent, toujours à leurs côtés, pour leur donner le cap, et les distancier des codes formatés de leur mère, et qui leur expliquait que les limites sont celles que l’on se fixe soi-même. Isabelle et Christine ne sont pas poussées à faire de longues études, était-ce vraiment utile pour une jeune fille dont la réussite dépend plutôt de son mariage ? Les rallyes sont là pour trouver l’âme sœur. Isabelle, après un premier mariage censé correspondre à tous les critères de son milieu, finit par s’en éloigner. Christine, elle, s’en est échappée plus vite et a sans doute ouvert la voie déjà bien enclenchée par mai 68.
Partage des joies et des chagrins
Elles commencent toutes deux à travailler, puis choisissent des maris hors-normes, de milieux différents du leur. Pour Isabelle, un second mariage, avec un homme plus âgé qu’elle, au sens de l’humour ravageur, qui met les choses en perspective. Pour Christine, un violoniste plus que prometteur. Leur mère ne comprend pas très bien, mais leur père approuve. Puis le décès de leur père, parti trop vite, leur phare dans la nuit, qui les rapproche encore plus. Christine et Isabelle ont bien réussi, mènent une belle carrière professionnelle qu’elles abandonnent lorsque les enfants arrivent, trois chacune, elles choisissent de s’en occuper à plein temps, probablement en réaction à l’attitude de leur mère envers elles. Elles veulent construire une vraie relation familiale avec leurs enfants et les élèvent quasiment ensemble. Elles prennent le relais pour leurs enfants respectifs… parfois plus facile de parler à sa tante qu’à sa mère… Elles partagent leurs joies et leurs chagrins, ne supportent de parler à personne d’autre le jour de l’anniversaire de la mort de leur père.
La vie n’est pas un long fleuve tranquille
Vers 45 ans le besoin d’indépendance aussi bien financière qu’intellectuelle se fait de nouveau sentir, l’envie d’exister par elles-mêmes, de ne plus être simplement la femme de… avec des maris aux fortes personnalités, qui prennent, dans le cas de Christine, presque toute la lumière, ou d’être la mère de… avec des enfants parfois en crise d’adolescence et rebelles. Isabelle passe différents concours dans la fonction publique et trouve sa voie dans l’action sociale. Christine, elle, rentre de plain-pied, et par elle-même, dans le milieu artistique avec l’administration, l’organisation, la communication de diverses structures musicales.
Puis le cancer du sein d’Isabelle, qui remet tout en question, leur père leur disait que tout peut s’écrouler à tout instant, et qu’il faut toujours viser le dépassement de soi. Isabelle, croyante engagée, dit que la foi n’empêche pas le doute, mais pas de doute quant à sa sœur, toujours présente à ses côtés. Isabelle s’en sort après de longs mois d’épreuves surmontés ensemble. Leur relation grandit encore, elles, avec leurs familles, forment un bloc indestructible.
Le contemporain d’Isabelle et Christine : « Bien dans leur temps, audacieuses, enthousiastes, tout simplement vivantes… »
Anne-Marie Chust