Ethnologue de formation, Fatéma Hal a la cuisine dans le sang. Présente à Paris avec le restaurant Mansouria et à Marrakech où elle a été appelée pour remettre au goût du jour les recettes ancestrales de son pays pour le restaurant gastronomique d’un palace, la chef signe aujourd’hui son premier roman dédié aux épices.
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L’incertitude des débuts
Issue d’une famille modeste d’Oudia, Fatéma Hal reste au pays jusqu’à 18 ans, mais elle doit épouser un homme choisi par sa famille et partir avec lui pour la France avec de multiples envies de carrière sans savoir si la tradition, qui ordonne aux femmes de rester à la maison et de s’occuper de sa famille, lui permettra de réaliser ses ambitions. Elle a trois enfants, suit parallèlement des études de littérature arabe à l’Université Paris VIII et enchaîne avec l’anthropologie à l’École pratique des Hautes Études où elle obtient un diplôme d’ethnologie en 1979. Elle choisit alors de divorcer et de s’engager pour la condition féminine aux côtés d’Yvette Roudy qu’elle rejoint au Ministère des Droits de la Femme où elle réalisera des enquêtes. Mais une envie profonde de partager sa culture et sa cuisine se fait jour et elle ouvre en 1984, un petit restaurant dans le 11e arrondissement de Paris, financé par un système de tontine car les banques lui refusent les prêts qu’elle sollicite.
Un engagement au service des saveurs
Telle une « Dada » du Maroc, ces cuisinières locales qui font à manger pour une famille, un restaurant ou toute une communauté, Fatéma Hal s’adonne enfin entièrement à sa passion, la cuisine. Son restaurant grandit et devient vite le temple de la gastronomie marocaine à Paris. Elle décide alors de créer une association pour former les jeunes femmes à la cuisine et en 2001 reçoit la Légion d’honneur. À chaque retour au pays, elle va parler aux anciennes dans les villages et recueille des recettes traditionnelles qu’elle aura à cœur ensuite de faire partager à sa clientèle. Comme en écrivant son premier livre Les saveurs et les gestes du Maroc où les épices sont à l’honneur.
« Avec les épices, la cuisine devient alchimie …. Ce qui m’intéresse dans la cuisine, c’est de faire rêver les gens et de retrouver le sens du voyage. »
Une cuisine d’amour et de patience
L’expression de cet amour explose dans ses préparations, ce qui a incité les directeurs de La cour des Lions à Marrakech à faire appel à ses services. L’occasion pour cette cuisinière d’exception d’avoir à sa disposition un matériel adapté, des ingrédients locaux et de futures « dadas ». En laissant s’exprimer toutes les cultures du Maroc, carrefour de civilisations arabes, africaines, arabo-andalouses, juives, chinoises ou européennes, elle suit la route des épices du passé et du présent. Une illustration avec la Mourouzia, recette de souris d’agneau aux épices datant du XIe siècle ou sa délicieuse Pastilla au pigeon.
Mais comme chacun sait, la cuisine n’a pas d’âge et elle réunit les êtres où que ce soit dans le monde. Pour Fatéma Hal : « La cuisine reste un lien fort dans une humanité qui se délite ».
Vicky Sommet
*Article translated by Katie Wilkinson for My French Life.
Première publication juillet 2016
Ses restaurants :
– Le Mansouria, 11 rue Faidherbe, Paris 11e, Tél. 01 43 71 00 16
– La Cour des Lions, Es Saadi Resort, rue Ibrahim-El-Mazini, Marrakech
Son premier roman :
Le discours amoureux des épices (éd. Zellige, octobre 2018)
Ses autres ouvrages :
Les saveurs et les gestes du Maroc (Stock, 1995), Le livre du couscous (Hachette Pratique, 2000), Ramadan, la cuisine du partage (éd. Agnès Vieno, 2006), Fille des frontières (éd. Philippe Rey, 2011).