Diagnostiquée en 2017 d’un cancer du sein inflammatoire rare et agressif¹ l’année de ses 50 ans, Florence doit faire face à des traitements lourds : chimiothérapie, ablation du sein et de la chaîne ganglionnaire, radiothérapie, hormonothérapie. Elle souhaite aujourd’hui partager son histoire, elle qui milite en faveur de vivre avec un seul sein sans reconstruction ni prothèse.
5 ans après, je suis toujours là !
Florence est soignée en Angleterre, là où elle vit en expatriation depuis 30 ans – et bien soignée, dit-elle. À la suite de l’ablation, on lui remet un coussinet à glisser dans son soutien-gorge en attendant la suite. Elle reçoit très vite aussi beaucoup d’informations sur la reconstruction mammaire : laquelle ? quelle prothèse ? comment l’utiliser ? Tout est tourné autour de la question de faire semblant de vivre avec deux seins, mais en revanche aucune information sur comment vivre avec un seul sein et accepter son « nouveau » corps.
« Mon moral est très bas. Je me sens mutilée, très abimée dans mon identité féminine, je n’aimais plus mon corps. »
Non à la reconstruction et à la prothèse
« On parle de la reconstruction même avant l’ablation. » Or la reconstruction est plus facile pour certaines que pour d’autres. Celle de Florence est difficile, il faut qu’elle attende un an. L’opération sera longue, il y en aura plusieurs, une greffe sera effectuée à partir de la peau de son ventre. Et de toutes les façons, pas de mamelon, car ce n’est pas reconstructible (tatouage 3D ou rien) et surtout plus de sensation. « De toutes les façons, mon corps ne sera plus jamais comme avant et je ne veux plus entendre parler de l’hôpital, je veux oublier le cancer ! » En 2019, elle refuse la reconstruction après avoir rencontré le chirurgien. Elle commence à porter une prothèse. Pendant un an… Puis elle écoute un podcast² de Lauren Bastide avec la journaliste Géraldine Dormoy qui parle de son choix de ne pas en porter. Elle a un déclic ! Pourquoi porterait-elle une prothèse qu’il faut enlever chaque soir, laver, mettre dans une boîte de protection et qui vous rappelle chaque jour votre cancer !?
« Quand on court, elle ne bouge pas de la même manière, c’est une gêne terrible quand on change de maillot de bain à la plage ou au bord d’une piscine. Elle me complique la vie plutôt qu’autre chose, j’ai décidé de la mettre au placard et je me suis sentie instantanément mieux psychologiquement ! »
Bien avec un seul sein
Florence sent qu’elle affronte enfin son corps tel qu’il est et cette tactique lui convient mieux. Elle pense que sa féminité n’est pas liée à ses deux seins et veut se sentir belle avec un seul. Elle va sur internet chercher un soutien-gorge qui puisse convenir -avec un côté plat- mais ne trouve rien. Qu’à cela ne tienne, elle se dit qu’elle va créer sa propre marque. Prof de français, ce n’est pas tellement son créneau… Elle demande alors à une amie de travailler sur un modèle avec un côté plat. Elle crée un prototype que Florence porte et qu’elle adore. Elles créent ensemble en 2020 la marque Eno³ (one à l’envers). Petit à petit, elles créent des modèles différents : aujourd’hui on trouve sur son site³ un maillot une pièce, un bikini, un soutien-gorge sport, un soutien-gorge pour tous les jours (quatre tailles). Tout est écologique, du tissu aux agrafes.
Aujourd’hui Florence souhaite diffuser l’idée qu’on peut vivre avec son corps tel qu’il est. Elle cherche à entrer tôt dans le parcours du soin afin de proposer aux femmes après la mastectomie d’essayer ses soutiens-gorge. Comme nous toutes, il y a des jours où elle s’aime bien, se sent entière, complète et féminine, et d’autres moins. Ces jours-là, elle remet sa prothèse. « Mais ce n’est plus moi, car je sais qu’autre chose existe ! »
Marie-Hélène Cossé
¹55 000 femmes par an en France ou en Grande-Bretagne ont un cancer du sein dont 5% sont inflammatoires, agressifs, avec traitements lourds. 40% des femmes ayant un cancer du sein subissent une mastectomie dont 70% choisissent de ne pas avoir de reconstruction par peur des complications notamment.
²La Poudre, entretien n° 69 avec Géraldine Dormoy, 2 avril 2020.
³Eno Eco.
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