Sa voix douce et son sourire serein ne laissent en rien présager l’homme de combat qu’il est au fond de lui, toujours en action ! Gilles Lazimi, médecin généraliste, enseignant et militant associatif, se bat chaque jour afin d’alerter les pouvoirs publics sur les violences faites aux femmes et aux enfants et améliorer la prise en charge des victimes. « On parle à la radio des femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint, mais pas des maladies liées aux violences conjugales et de leur impact à tous les échelons de notre société. »
Violences faites aux femmes
Gilles exerce en qualité de médecin généraliste au centre de santé de Romainville depuis 1989 où il pilote aussi des actions de prévention santé. Il commence sa carrière dans l’accompagnement de patients atteints du SIDA, notamment les toxicomanes, et découvre qu’il n’y a pas un malade, mais un patient impacté par son environnement pour lequel on ne peut pas faire à sa place, mais on peut faire avec lui. Il organise des campagnes de sensibilisation et voit petit à petit des femmes victimes de violences. Ses premières rencontres l’exaspèrent : « Elles m’énervaient car je ne les comprenais pas, n’ayant pas été formé pour cela. J’y passais un temps fou avant de les voir revenir des mois après, vivant toujours avec leur agresseur. » Ses études ne l’y avaient pas préparé : « On n’a jamais parlé de ça à la fac. Il faut insister pour que médecins et magistrats soient formés, apprennent à repérer, à comprendre, pour mieux les prendre en charge. » Aujourd’hui Gilles Lazimi sait repérer ces femmes (il avoue même avoir un radar maintenant…), leur parler et les accompagner.
« On génère soit la défiance, soit l’agressivité des femmes si on veut faire à leur place. Il faut attendre avec elles le bon moment, faire le contraire de l’agresseur : être à leur côtés, briser leur isolement, les valoriser, leur expliquer ce qu’elles ont dans la tête, les déculpabiliser, leur reconnaître le statut de victime. »
Violences faites aux enfants
Ce n’est plus un mystère aujourd’hui, de nombreuses études ont été menées mettant au grand jour le terrible impact des violences subies dans l’enfance. Même celles que l’on nomme « éducatives ordinaires » encore tolérées par notre société peuvent avoir une incidence sur la santé : « Il n’y a pas de petites ou de grandes claques, c’est pareil. » explique Gilles Lazimi qui coordonne les campagnes nationales de La Fondation pour l’Enfance afin de sensibiliser le grand public contre les violences éducatives ordinaires (claques, fessées, humiliations, cris, mots qui rabaissent, etc.). Encore aujourd’hui en France, 85% des parents continuent à frapper leurs enfants… et la moitié des parents qui frappent leurs enfants commencent avant l’âge de 2 ans… Or, on sait maintenant que les enfants les plus violents sont ceux qui ont subi des violences et les plus violents d’entre eux sont ceux qui ont vu leur mère frappée. Dans 75 % des maltraitances graves, les violences ont débuté par des violences éducatives ordinaires… Lors des signalements, il faut arrêter de penser qu’il vaut mieux des mauvais parents que pas de parents, mieux vaut être placé dans une autre famille.
Bien que la lutte contre les violences faites aux femmes ait été proclamée grande cause nationale pour l’année 2018, ce n’est pas suffisant, il reste encore tant faire, même si on a beaucoup progressé comme le rappelle Gilles Lazimi. Il faut révéler les violences, faire de la prévention, condamner les agresseurs et surtout donner des solutions d’hébergement aux femmes qui doivent quitter leur agresseur et pour cela il faut des moyens pour les associations qui accueillent, accompagnent, hébergent et protègent ces femmes et leurs enfants. Le gouvernement doit agir comme il l’a promis pour « sauver celles qui sont encore vivantes » (Murielle Robin) !
Marie-Hélène Cossé
Gilles Lazimi, médecin généraliste du centre municipal de santé, responsable des actions prévention santé de la ville de Romainville en Seine-Saint-Denis, maître de conférences en médecine générale à l’Université Pierre et Marie Curie, membre du HCE depuis 2013, coordonne de nombreuses campagnes contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Sa page Facebook. Son compte twitter.
♦ QUELS SIGNES, QUE FAIRE ?
Une femme victime de violences est isolée, emmurée dans sa souffrance, se sent coupable, honteuse, elle est dans l’incapacité de parler, d’être aidée, elle est méfiante, rarement disponible, n’a pas d’argent, son mari l’appelle sans cesse. L’écouter, être prêt à l’aider dans « son » temps et pas dans le « tu dois », lui donner le téléphone des associations pour la prise en charge quand le bon moment est venu.
♦ ASSOCIATIONS POUR LES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE
Solidarité Femmes – Tél : 3919 – Test sur la violence conjugale à partager
SOS Femmes Seine Saint Denis 01 48 48 46 80
Viols femmes infos 0800 05 95 95
♦ ASSOCIATIONS CONTRE LES VIOLENCES ENVERS LES ENFANTS
La Fondation pour l’Enfance
Association Stopveo Enfants sans violences