Vicky Sommet a, au printemps 2024 à la demande de la Sorbonne, chapeauté deux étudiantes effectuant un Workshop les sensibilisant au métier de journaliste dans le cadre de leur licence d’Histoire. Voici le fruit de leur travail : 3 portraits de femmes françaises engagées dans des domaines traditionnellement réservés aux hommes aussi variés que le champagne, la course automobile et la pâtisserie.
Femme d’hier
♦ La Veuve Clicquot, une avant-gardiste du modèle de la businesswoman
En 1805, à 27 ans, Barbe-Nicole Clicquot Ponsardin reprend fièrement l’entreprise de vins et champagne de son mari décédé contre les avis de ses proches qui lui conseillent de vendre. À l’époque, c’est la seule façon pour une femme de posséder une entreprise, la loi de l’Empire la privant de droits juridiques et la plaçant sous l’autorité de son père ou de son mari. Celle qu’on appellera la Veuve Clicquot réussit à faire rayonner la société fondée par son beau-père à l’international et à en faire un symbole du luxe français. Rigoureuse, attentive à la qualité et aux saveurs des champagnes envoyés dans chaque pays, elle connaît le goût de tous ses clients. Barbe-Nicole est grandement impliquée dans les processus de fabrication de son élixir. Elle met au point des tables de remuage qui deviennent alors un standard dans l’industrie et ce pour clarifier les vins plus rigoureusement, plus rapidement et augmenter ainsi la production. La Veuve Clicquot crée le premier champagne rosé en mélangeant le vin rouge au blanc. Elle fabrique également le premier champagne millésimé, produit avec les vins d’une même année. Souvent copiée, mais jamais égalée, elle est devenue la Grande Dame de Champagne. Elle lèguera sa maison à son associé avant de se retirer dans les années 1850.
Barbe-Nicole a ouvert la porte de ce domaine très masculin et beaucoup de maisons de champagne sont aujourd’hui dirigées par des femmes, directrices, cheffes de caves ou viticultrices.
Femme d’aujourd’hui
♦ Michèle Mouton, la volonté de faire rayonner le sport automobile
Michèle Mouton met un point d’honneur à gagner les rallyes auxquels elle participe. D’abord copilote de Jean Taïbi, son ami d’enfance, qui l’initie au monde du rallye avec Peugeot en 1973, elle pilote aux championnats féminins de France et d’Europe les deux années suivantes. Championne d’exception, elle rejoint les courses masculines en parallèle de sa participation aux 24 heures du Mans. Très souvent sur le podium, Michèle Mouton se fait remarquer par Audi qui souhaite lui faire piloter sa nouvelle Audi Quattro. C’est l’âge d’or de sa carrière, on la surnomme « le beau volcan noir » en rapport avec ses longs cheveux de jais et sa personnalité explosive. Et cette adulation est justifiée ! Elle s’impose au rallye de San Remo et devient l’unique femme à remporter une manche du championnat du monde en 1981. L’année suivante, elle devient vice-champion du monde, puis champion d’Allemagne en 1986, année où elle prend sa retraite en tant que pilote. Mais elle ne s’arrête pas pour autant et organise la Race of Champions et devient Directrice du World Rallye Champion (WRC), par la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA), tout en gérant la sécurité et l’organisation en WRC. Elle deviendra aussi présidente de la Women and Motorsport Commission de la FIA qui promeut le rôle des femmes dans le sport automobile. Si les femmes font course à part, comme sa carrière le montre, cette séparation est remise en question par la simple présence de Michèle Mouton au sein du sport automobile.
Si elle pensait être une simple femme parmi d’autres dans le monde automobile, Michèle Mouton est restée une véritable icône qui fascine et inspire tout autant les femmes que les hommes.
Femme de demain
♦ Nina Métayer, contre les préjugés des femmes dans la restauration
C’est durant son apprentissage dans une boulangerie de La Rochelle que Nina Métayer découvre son amour pour la boulangerie. Elle naît en 1988 dans une famille où la nourriture a une place centrale, ses parents ayant été critiques gastronomiques. Bien que passionnée par la boulangerie, les années 2000 sont rudes pour les femmes dans ce milieu où Nina peine à trouver sa place. Les boulangers souhaitent la voir à la vente, mais Nina veut créer. Elle se lance alors dans un CAP Pâtisserie à l’école Ferrandi. Sa carrière commence au Meurice de Yannick Alleno, chef triplement étoilé, un monde prestigieux qui exige une énorme discipline. Elle se trouve très moyenne et pense manquer de savoir-faire. Cette expérience lui apprendra beaucoup. Deux ans après, elle devient cheffe à l’hôtel Raphaël et se place dans les podiums de classement des journaux gastronomiques. Elle travaille au côté de Jean-François Piège au Grand Restaurant et est sacrée « Pâtissière de l’année » par le Gault & Millau. Elle ouvre en 2020 sa boutique en ligne Délicatisserie. Pour Nina, carrière et famille ne font qu’un. Ses parents, ses soeurs et son mari sont ses premiers soutiens et collaborateurs. Malgré une ascension fulgurante, elle connait beaucoup de difficultés et de sexisme. Devenue mère de famille en 2016, elle partage sa passion avec ses filles qui participent aux vidéos de cuisine qu’elle produit. Ses créations sont un moyen de transposer sa passion et son amour de la vie avec le reste du monde.
Son travail sans relâche porte ses fruits puisqu’en 2023, à 35 ans, elle est sacrée « Meilleur pâtissier de l’année » qui fait d’elle la première femme à recevoir cette distinction mondiale.
Ces femmes ne se sont pas laissées abattre dans leur parcours. Leur persévérance fait d’elles des modèles, qu’elles le veuillent ou non, qui poussent les femmes à revendiquer leur légitimité et poursuivre leurs rêves malgré les limites que la société leur impose. Elles incarnent un modèle d’audace pour avoir, chacune à leur façon, défié l’ordre établi par les hommes et ouvert la voie à d’autres femmes.
Hela Boujnah & Julianna Pisano
Étudiantes en 3ème année de licence d’Histoire à La Sorbonne
