Il existe au sein de la Société des Amis américains du musée d’Orsay (AFMO¹), une curiosité, une envie de découvrir qui nous enchantent. Certes, les musées d’Orsay et de l’Orangerie abritent les plus belles collections impressionnistes et postimpressionnistes du monde, mais Marie-Laure C. Fleming, la directrice générale de la Fondation américaine, y est aussi pour quelque chose.
Créer du lien autour de l’art
Une visite à la Maison de broderie Lesage, entreprise familiale centenaire, fut la première contribution de Marie-Laure à l’organisation d’un séjour des amis américains du musée d’Orsay à Paris. Cette maison historique a participé au succès des grands noms de la haute couture française avant d’intégrer les Métiers d’Art des plus grands d’entre eux, dont Chanel. Les Américains ont apprécié l’inventivité, le savoir-faire à la française, la virtuosité de ce métier d’artisanat élevé au rang d’art. Marie-Laure se voit proposer un emploi à temps plein à la Fondation, dont elle deviendra la directrice générale fin 2022, en liaison avec l’équipe de New York. La voilà responsable de quelques centaines de mécènes, amateurs d’art, amoureux de Paris et prêts à soutenir des projets aussi divers que l’enrichissement des collections, la restauration des œuvres, la programmation culturelle, la traduction de certains catalogues², la restauration et l’installation dans la nef de la sculpture en bronze « La liberté éclairant le monde », plus connue sous le nom de Statue de la Liberté³.
Pour cette femme soucieuse de créer des passerelles entre les cultures, dont l’anglais est presque la langue maternelle, la frontière entre travail et passion est ténue.
Offrir du capital symbolique
Francophiles, les mécènes américains voient la France comme un pays imprégné d’une culture raffinée. Organiser des séjours inventifs est une façon de remercier les donateurs pour leur générosité. Pour les Américains, c’est l’occasion de bénéficier de déductions fiscales et de satisfaire leur curiosité pour la France tout en socialisant. La Fondation est à la recherche de lieux prestigieux en termes d’histoire et d’architecture. Marie-Laure cite trois voyages dans le temps : une réception à l’hôtel de la Païva, demeure du Second Empire, et la découverte de salles méconnues au Château de Fontainebleau, puis l’accueil privé chez un grand collectionneur français d’art classique dont elle taira le nom. Chaque année, un diner de gala est organisé dans les somptueux salons d’apparat du musée d’Orsay. L’objectif est d’attirer l’attention sur le musée, d’avoir plus de visibilité aux États-Unis et, bien entendu, de rassembler des fonds.
En 2022, plus de 200 mécènes ont été accueillis, régalés par la cuisine des équipes du célèbre restaurant d’Alain Ducasse.
Exercer une diplomatie culturelle
L’évènementiel est une part importante de son activité, mais Marie-Laure est avant tout un passeur culturel. Son rôle est d’ouvrir des portes, créer des liens, des ponts entre la France et les États-Unis, le monde de l’entreprise et de la culture, l’art classique et l’art moderne4. Tous ces croisements rendent complexe ce travail d’intermédiation diplomatique qui suppose une fine compréhension des cultures, de part et d’autre de l’Atlantique. Mais « la diplomatie n’est pas un dîner de gala5 », c’est une activité chronophage dans un environnement en profonde mutation. Ces préoccupations n’altèrent pas le lien entre le musée d’Orsay et les mécènes qui est le fruit d’une longue histoire. Dès 1870, on a commencé à apprécier outre-Atlantique « ces fous d’impressionnistes » qui ont défié les règles de l’Art académique. Les Américains se sont approprié cet art au fil des siècles et l’ont fait progressivement rentrer dans leur patrimoine6.
Magistrale illustration de cette relation, en 2016, un couple d’Américains, les Hayes, ont fait don au musée d’Orsay de leur collection, la plus importante que les musées français aient reçue depuis 1945. Une belle histoire d’amitié entre des collectionneurs et les conservateurs du musée !
Michèle Robach
¹American Friends Musée d’Orsay et de l’Orangerie créée en 2009, aforsay.org.
²La traduction en anglais du catalogue de l’exposition « Pastels. De Millet à Redon » a été financée par AFMO.
3Cette statue en bronze, fondue en 1889, était en dépôt dans les jardins du Luxembourg à Paris.
4Kehinde Wiley, « An Archeology of Silence » à Orsay, Mickalene Thomas, « Avec Monet » à l’Orangerie, Les donateurs américains ont également permis l’achat de l’œuvre de Sophie Calle « Les fantômes d’Orsay ».
5La diplomatie n’est pas un dîner de gala, Claude Martin, Éditions L’Aube, 2018.
6C’est George A. Lucas, marchand et collectionneur américain installé à Paris, qui réalise la 1ère acquisition d’une toile impressionniste (de Pissarro) en 1870. Mary Cassatt va activement guider les collectionneurs américains. Sur son conseil, la famille Havemeyer développe ses collections d’impressionnistes, en particulier Louise, qui fait l’acquisition d’un Degas au plus tard en 1877.