Mélissa Plaza, le salut par le ballon

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Une fois n’est pas coutume, nous avons choisi de donner la parole à une presque trentenaire au parcours atypique, Mélissa Plaza, ancienne joueuse internationale de football. Exigeante avec elle-même, faisant face à tous les défis et souffrances pour y arriver, elle est un modèle pour toute une génération de filles, mais aussi pour nous qui la précédons.

Passion ballon

Mélissa part de chez elle à 13 ans afin de s’extraire d’un climat familial difficile. Passionnée de foot, elle se dirige vers le sport étude. « J’ai toujours joué. À 8 ans, je savais que ça allait me sauver. » Dans les années 1990, seul le foot non professionnel existe pour les filles. Si on est bonne, on est repérée jeune et envoyée à Clairefontaine pour y être entraînée. Mélissa y est refusée à 15 ans. Elle doit donc redoubler d’efforts pour se faire un nom et être repérée hors circuit. Pendant ses 4 années de sport étude, la jeune joueuse qui vit en famille d’accueil ne lâche rien : cours dans la journée, entraînement le soir, matches le week-end, pas de vacances ! Car on ne vit pas du foot en France, notamment les filles qui sont bien souvent dans une grande précarité financière…

« Je gagne €400 par mois comme titulaire. Au nombre d’heures passées sur le terrain, cela représente un tarif horaire de €3… »

Sélectionnée en équipe de France

Mélissa entame après son bac un cursus STAPS tout en jouant en parallèle à la Roche-sur-Yon. Elle travaille 3 jours par semaine au McDo et 3 jours à la fac, s’entraîne 6 fois par semaine et joue en match le week-end. « Oui, il y a de gros moments de doute, mais on s’accroche au talent qu’on a pour se sortir d’un quotidien difficile. » Son nom commence à circuler dans les circuits… Et le moment tant attendu se produit : elle se fait repérer à 19 ans alors qu’elle joue un match universitaire Nantes/Paris auquel assiste, sans connaître son nom, le sélectionneur de l’équipe de France qui prépare la coupe du Monde 2008 au Chili. Mélissa, prévenue au dernier moment, donne tout, fait le match de sa vie et elle est sélectionnée !

« C’est chacun pour soi. Tout est permis pour écraser l’autre et l’entraîneur ne fait pas de cadeau. »

Accidents en série

À son retour, elle part jouer à Montpellier où elle poursuit ses études : entraînement matin et soir, études pour sa licence dans la journée…Alors qu’elle joue depuis 2 ans, étudiante en Master 1, Mélissa gagne un match un dimanche, demande à sa coach, qui le lui refuse, de pouvoir se reposer le lundi pour préparer un partiel du lendemain. L’accident arrive pendant la partie, son genou gauche lâche, alors qu’elle venait d’être sélectionnée dans la liste élargie de 30 joueuses pour la coupe du monde en Allemagne. « Pourquoi moi et pourquoi maintenant ? J’ai mal accepté cette première blessure. Je perds 10 kg après l’opération. J’ai 21 ans et je suis au fond du trou. » Mais Mélissa s’accroche, elle veut rejouer et reprend à Montpellier au bout de 6 mois de convalescence.

« Je n’avais pas de standard de comparaison et il n’y avait personne pour me stopper, alors qu’en fait je n’étais pas stable et compensais sans le savoir… »

Mélissa est appelée à Lyon. Elle est en deuxième année de thèse¹. Là c’est son genou droit qui lâche. 7 mois de convalescence. Puis, elle part jouer à Guingamp, se blesse lors d’un match, à nouveau au genou, et continue à jouer blessée pendant près de 5 mois, jusqu’à ce qu’on lui annonce qu’elle n’a plus de cartilages à droite, plus de croisés à gauche. Elle soutient sa thèse, puis est opérée deux fois en trois mois. 11 mois de convalescence sans foot. À 28 ans, bac + 8, elle se retrouve au chômage et décide de faire une procédure contre son club : « ça ne remboursera pas mon genou, ni mes 5 années de carrière anéanties, mais ça aidera celles qui suivent. »

Et demain ?

Mélissa, entrée depuis au club de Saint Malo où elle est devenue adjointe au coach de l’équipe, s’est associée pour monter au début de l’année une agence de conseil² en égalité femmes-hommes où elle travaille sur la non- discrimination et comment intégrer le genre. Elle est appelée à donner des conférences un peu partout. Son conseil : faire de bonnes rencontres et créer le déclic chez les autres. Elle a repris ses études, une fois encore, pour passer son diplôme d’entraîneur. « J’aimerais être ministre un jour ou première femme à entraîner une équipe d’hommes à haut niveau. » Quelle force et quelle énergie !

Marie-Hélène Cossé

¹Thèse sur « Les stéréotypes sexués dans le sport ».
²Queo Improve

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