Une envie qui nait à dix ans parce qu’elle rêvait de voyager et, parce qu’abonnée au Journal de Lisette, son héroïne était reporter en Afrique. Revenir et raconter, expliquer et comprendre, son avenir était tout tracé, intéressée par la politique et l’économie, Mireille Duteil serait journaliste et grand reporter.
Un métier de saltimbanque
Sans relation dans ce milieu, vivant en province et contestée par ses parents, Mireille suit des études de droit, section Sciences politiques. Licence en poche, elle est recrutée par Presse Océan. « Je me suis dit, si j’accepte cette offre, comment irais-je après à Paris et ne pas être confinée aux chiens écrasés. Je suis donc partie avec mon mari pour travailler à Alger où j’ai été acceptée à l’AFP ». Deux ans après, ils rentrent et elle est engagée par la CFDT dans leur revue et leur journal pour parler d’économie, puis à « Jeune Afrique » où, suite à une sécession au sein de la rédaction, les journalistes démissionnaires ont créé un nouveau magazine « Demain l’Afrique ».
Reportages à gogo
« Mon premier papier en Afrique concernait les élections pour l’indépendance de Djibouti car je couvrais la Mauritanie et la corne de l‘Afrique. Au retour, je me suis présentée à l’Express et au Point et comme ce dernier cherchait un spécialiste de l’Afrique, j’ai accepté leur offre et j’y ai travaillé de 1980 à 2016 ». À la fin des années 80, elle s’oriente vers l’Asie et le Moyen-Orient, le Vietnam et le Cambodge pour couvrir les indépendances et parce qu’elle travaille sans relâche, elle accouche de son premier enfant avec un mois d’avance. « Je voulais surtout faire de la politique étrangère. Mon premier reportage a couvert les élections en Côte d’Ivoire et après dans une région que j’adore, le Moyen-Orient. Être une femme ne m’a posé aucun problème, si ce n’est dans la tête des rédacteurs en chef qui hésitaient à envoyer une femme sur ces terrains, pensaient-ils, dangereux. ».
Son surnom : « Madame Afrique »
Spécialiste et experte de ce continent, Mireille est appelée à témoigner à la radio, RFI, à la télévision, France 24, elle accompagne le ministre de la Coopération en déplacement, « J’avais pratiquement un papier à produire chaque semaine. Je n’ai pas choisi la télévision car j’ai toujours aimé partir et travailler seule. Je ne pouvais pas corriger les papiers des autres sans avoir été sur le terrain, même en étant rédacteur en chef adjoint, le terrain est essentiel pour sentir un pays. Ma plus belle rencontre, Asma Lamrabet, une Marocaine voilée à la tête d’un institut pour initier un islam moderne, auteure de « Islam et les femmes, les questions qui fâchent ». J’ai adoré ce métier et je continue à faire des papiers mais plus de reportages car c’est un métier très fatigant ».
Aucun courage particulier, juste une passion qu’elle a pu assouvir en rencontrant des femmes ordinaires ou des chefs d’état, avec un souvenir triste sur la fragilité du monde « En Éthiopie, un petit garçon est mort devant moi, bombardé par les avions du front de libération alors qu’avec mes confrères nous étions plaqués contre un mur pour échapper aux tirs ». Les journalistes ne peuvent sauver le monde, mais ils sont là pour témoigner.
Vicky Sommet
Lire « Les martyrs de Tibhirine » de Mireille Duteil aux éditions Salvator (octobre 2018). Une enquête fouillée sur l’assassinat de sept moines trappistes en 1996 pour comprendre ce drame et percer le mystère des véritables commanditaires. Le tout sur fond de guerre civile et de relations franco-algériennes conflictuelles, alors que l’Église catholique a reconnu Christian de Chergé et ses compagnons comme « bienheureux ».